critique &
création culturelle
« Quelle place donnez-vous au travail ? Vous rend-t-il heureux ? »
Au-delà des frontières, le message de la pièce Daydream résonne

Donner la parole aux jeunes de 25 à 30 ans et les interroger sur leur rapport au travail, c’est l’idée ingénieuse des comédiens Nicolas Fabas et Pauline Schwarts de la Compagnie Noutique, qui ont coécrit la pièce Daydream .

Initialement, le projet est né de quarante entretiens et micro-trottoirs qui interrogent les jeunes de la génération Y sur la place qu’ils donnent au travail dans leur vie : Pourquoi travaillent-ils ? Sont-ils heureux, satisfaits, frustrés ?

Dans Daydream , c’est Pauline, une jeune de 25 ans choisie parmi les quarante profils interviewés pour un projet photo, qui se fait le porte-voix d’une génération plurielle en quête de sens, de valeurs et d’identité.

Une génération qui cherche à s’épanouir dans ce qu’elle fait, comprenant que le futur à venir ne promet rien de réjouissant. Elle cherche à réinventer ses codes, quitte à se confronter aux anciennes générations pour qui le CDI représentait la sécurité et LA bonne nouvelle de l’année.

Sur scène, un ingénieux dispositif scénique avec au centre des tabourets tournants pour nous asseoir et à travers lesquels Pauline marche, court et déambule. On la suit à son entrée dans le monde du travail, celle des responsabilités et des heures sup. Accompagné par Nicolas Fabas qui joue tantôt un employeur lors d’un entretien d’embauche, tantôt la supérieure au travail qui déshumanise et charge de travail Pauline, la « nouvelle de l’équipe », on s’interroge nous-mêmes sur nos perspectives d’avenir et comment le travail cristallise nos parcours et nos rencontres. Daydream , bien que ce ne soit pas son objet principal, fait aussi écho aux fameux bullshit jobs de l’anthropologue David Graeber. Derrière cette belle appellation de « chargée de projets culturels », le champ d’action de Pauline se réduit comme peau de chagrin puisqu’il consiste essentiellement à trouver des fonds pour mettre en place une exposition. Un poste bien loin donc de la compétence « créative » recherchée.

Pour l’aider à y voir plus clair, Pauline peut aussi compter sur les jeunes de son âge et sur ses amis : une dizaine de portraits photo de ces jeunes interviewés sont encadrés et accrochés au mur. Nicolas Fabas avait enregistré les témoignages individuels de tous ces jeunes pour en faire un montage qui donne l’impression d’une conversation où chacun se répond et se complète. Ces visages, tous porteurs d’une histoire singulière, lui font part de leur propre expérience : leur échec, réussite, frustration. Une sorte de témoignage de cette génération en quête de sens, confrontée au chômage, à la précarité mais aussi un optimisme qui persiste chez certains. Tout doucement, nous entrons dans son cercle intime où la comédienne nous fait part de ses doutes. Et si le CDI ne la faisait pas vibrer, si, malgré tant d’efforts, elle décidait de tout lâcher pour vivre son « rêve éveillé » ?

Malgré son thème sérieux, Daydream dégage un dynamisme constant, une pièce qui bouge et qui fait rire. Un beau portrait d’une génération qui se redéfinit. Une représentation qui interpelle son public et ne cesse de résonner comme un fond sonore daydream . J’ai envie de terminer la mélodie ainsi: T hey dreamed (ils rêvaient), and… they are still dreaming (ils rêvent toujours).

Daydream

Idée et conception: Nicolas Fabas
textes, enregistrements et jeux : Nicolas Fabas, Pauline Schwartz
travail photographique : Marie-Clémence David
Dispositif scénique : Emilie Braun, Quentin Tailly
Dispositif sonore : Xavier Buda
Lumière : François Clion, Antoine Guérin
Musique : Benoît Capelle
Régie plateau : Antoine Kempa
Production : compagnie Noutique