critique &
création culturelle
    Méa Shéarim : la vie en noir et blanc

    Photos et texte : Antoine Duval, chercheur, voyageur et photographe.

    Méa Shéarim, pour un inculte cultivé, c’est Kadosh, le film d’Amos Gitaï. On y va en pèlerinage pour voir le set du film, en bon lecteur de Télérama.

    Méa Shéarim fait peur, les juifs israéliens laïques ne s’y aventurent qu’en voiture, toutes fenêtres fermées, un peu comme si on traversait un ghetto américain. La peur au ventre, celle de se faire lapider son véhicule pour une épaule trop découverte.

    Méa Shéarim, en short avec un appareil photo c’est une provocation scientifique, le déguisement rend invisible. L’étranger, le touriste, ne peut être rejeté, il ne fait pas partie. C’est un innocent, un naïf, mais non un traitre.

    Méa Shéarim, c’est un trottoir, les magasins se ressemblent, libraires spécialisés dans les produits dérivés de la Torah ou quincailler amateur de chandelier au juste nombre de branches.

    Méa Shéarim, ce sont des enfants curieux et des adultes méfiants, qui défilent sans arrêt, dans un ballet constant. Le distributeur de billet est un piège qu’ils ne peuvent éviter, il fige les fantômes pour quelques secondes.

    Méa Shéarim, un paradis de l’interprétation, elle s’affiche partout, chaque centimètre carré de mur est couvert de proclamations de rabbins plus ou moins prestigieux révélant la vérité ultime (et éphémère) sur la loi juive.

    Méa Shéarim, refuge face au rouleau compresseur du temps, la mode y est apparemment intangible et la technologie méconnue ou rejetée.

    Méa Shéarim, on en sort au bout de la rue, sans crier gare. C’est un aparté social, un monde à la muraille symbolique infranchissable.

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