critique &
création culturelle
David Delruelle
De l’intime à l’universel

Diplômé de Saint-Luc en arts plastiques, David Delruelle s’adonne au collage depuis 2012. Mis une première fois à l’honneur en mars sur Karoo , il revient sur son travail à l’occasion de son exposition The Bridge à la galerie Rossicontemporary.

Pourquoi avoir choisi le collage comme moyen d’expression ?
C’est un médium très ludique qui me permet d’expérimenter facilement plein d’idées en envisageant plusieurs façons d’assembler les éléments. Et puis, il y a si peu de restrictions techniques, au début en tout cas, qu’on peut très vite arriver à créer des choses originales. Ce côté immédiat, presque instinctif, m’a beaucoup plu.

Je fais un peu de collage numérique, mais j’ai une préférence pour le collage manuel. J’aime que l’on voie encore le découpage, que l’on comprenne comment ça a été fabriqué. Et puis, il y a cette contrainte : on ne peut pas faire tout ce qu’on veut. Il faut effectuer des choix en essayant de contourner les difficultés matérielles pour pouvoir parvenir à son idée. C’est ce processus que je trouve stimulant et qui me passionne.

Quand tu commences un collage, as-tu une idée de ce que tu aimerais réaliser ou te laisses-tu complètement porter par les images ?
La plupart du temps, je parcours un magazine ou une pile de magazines dans lesquels je sélectionne des images et, à partir de là, je laisse aller mon imagination. C’est une façon de travailler : je pars de l’image et puis je divague. Parfois, il arrive que j’aie une idée avant de commencer, et je cherche alors l’image qui me permettra de la réaliser. C’est un processus beaucoup plus long.

En moyenne, cela te prend combien de temps ?
Cela dépend. Il y a des collages que je peux réaliser en une demi-heure, d’autres qui me prennent six mois. J’ai toute une boîte remplie de découpages que je sais que j’utiliserai un jour mais pour lesquels je n’ai pas encore trouvé de solution.

T’arrive-t-il de travailler avec d’autres artistes ?
J’ai fait beaucoup de collaborations, surtout l’année dernière. Dans le milieu du collage, c’est une pratique courante. J’ai travaillé avec plein d’artistes que j’aime beaucoup comme Jesse Treece, Michael Tunk, Nicholas Lockyer ou Eugenia Loli. C’est un processus très enrichissant parce qu’on apprend énormément de ce que font les autres. Parfois, c’est assez surprenant : tu envoies le début d’un collage à quelqu’un et le résultat ne correspond pas du tout à ce à quoi tu t’attendais. Mais quoi qu’il arrive, j’aime la dimension collective de ces projets.

Essaies-tu de transmettre quelque chose ?
Je n’ai pas envie qu’il y ait de message direct. J’aime que les gens puissent interpréter ce que je fais à leur manière. Mais c’est vrai que certains thèmes reviennent fréquemment. Je me suis rendu compte que c’est souvent un mélange entre des choses très intimes et des choses très universelles : beaucoup de mes collages représentent l’homme devant la grandeur de la nature. Mettre en scène des humains face à l’espace et à l’immensité de l’univers, c’est d’ailleurs un thème particulier au collage contemporain.

Qu’est-ce qui caractérise le collage contemporain par rapport aux pionniers ?
Je pense qu’il y a une dimension beaucoup plus pop que dans le collage dada : on joue beaucoup plus avec les couleurs, les contrastes d’échelle, les effets. Et puis, il y a le collage numérique qui n’existait évidemment pas auparavant et qui permet de contourner les restrictions physiques du collage traditionnel. Aujourd’hui, beaucoup de collagistes jonglent avec les deux. Une de mes bibles, The Age of Collage , éditée chez Gestalten, est un magnifique témoin des tendances de ce médium.

Pour les mois à venir, as-tu des projets particuliers ?
Pour l’instant, je suis à la moitié d’un projet participatif que j’ai lancé, Give and Take , pour lequel j’ai demandé à des gens de m’envoyer des livres ou des magazines. J’ai fait un appel en limitant le nombre de participants à vingt, pour ne pas que ça devienne trop long. Le principe est qu’ils m’envoient un livre ou un magazine ; moi, je le reçois et je fais un collage exclusivement à partir de ce matériel-là. La contrainte en art, ça pousse à sortir de sa zone de confort, à expérimenter d’autres choses. C’est un vrai défi de créer quelque chose d’intéressant à partir d’un matériel auquel tu ne t’attends pas du tout. Il faut essayer de dire quelque chose de différent à chaque fois, et parfois c’est très compliqué.

Même rédacteur·ice :

David Delruelle
The Bridge
Du 6 novembre 2014 au 3 janvier 2015
Galerie Rossicontemporary
Rivoli Building
ground floor #17
690, chaussée de Waterloo
BE-1180 Brussels
Belgium
rossi[at]rossicontemporary.be
+32 486 31 00 92

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