Soulevant des questions d’identité, de rapports entre les uns et les autres, Freddy Tougaux présentait son premier spectacle ce vendredi 12 avril à l’Eden de Charleroi. Mêlant humour et réflexion, 2 pour le prix d’1 nous interroge quant à notre place parmi ces autres dont nous avons tant besoin.
En 2013, Freddy Tougaux se révélait au grand public en diffusant sa célèbre chanson Ça va d’aller sur les réseaux sociaux. Depuis, son personnage évolue notamment dans une séquence du Grand Cactus, émission diffusée sur La Deux et animée par Jérôme de Warzée et Adrien Dewyver, nommée le Micro-Terroir . Durant ce rendez-vous télévisé, Freddy Tougaux endosse le costume de personnages loufoques et anime différents sketchs avec le comédien Kody notamment.
En première partie du spectacle de Freddy Tougaux, le public a pu faire la rencontre d’une jeune comédienne qu’il connaissait déjà sous d’autres traits : Cécile Djunga (plus connue comme présentatrice télé). Son personnage solaire nous transporte au rythme de ses attitudes, danses et répliques « Cœur, cœur, papillon ». Cécile Djunga, déjà dans les extraits de son spectacle Presque célèbre , montre une grande honnêteté doublée d’une tendre simplicité. Après avoir bien « chauffé la salle », Cécile laisse la place à Freddy Tougaux, sous les applaudissements enthousiastes du public.
Puis, la scène est plongée dans le noir, on n’entend plus qu’une voix familière qui pousse la chansonnette. Le personnage de Freddy Tougaux arrive en scène. Son énergie est palpable, il se déplace de droite à gauche à grandes enjambées. Dans certaines de ses attitudes, Freddy Tougaux rappelle le personnage de Momo adopté par Pierre Aucaigne : un drôle d’accent (louviérois en l’occurrence), des rires intempestifs, une démarche parfois désarticulée.
En Belgique, dès qu’on parle de hasard, on est à l’Eden.
Derrière lui, sur la scène, on distingue un grand miroir. Le titre de 2 pour le prix d’1 prend dès lors une tout autre tournure. Les interrogations commencent : pourquoi ce miroir ? Pourquoi le public est-il également reflété ? Petit à petit, Freddy nous embarque dans une réflexion sur nous-mêmes, sur les autres, et sur ce fameux réseautre dans lequel nous sommes coincés. Les autres sont partout alors il est nécessaire d’être « bien avec l’autre » pour être « bien avec soi-même ». Puis comme Freddy nous l’explique, l’autre, on ne sait jamais qui il est, alors il faut bien se comporter.
L’autre ne sait pas qu’il est autre.
Le personnage nous expose avec humour nos traits humains et à quel point ils sont absurdes : l’envie d’avoir ce qu’un autre possède, d’être comme l’autre, ou encore de prendre la place de l’autre. Freddy joue pour et avec le public, constamment sollicité. La salle se lève, écoute les consignes, répond aux questions. Evidemment, Freddy maîtrise l’improvisation ! Les réactions du public étant spontanées et très aléatoires, il est important de pouvoir rebondir sur celles-ci, ce que le comédien fait avec brio.
On est toujours l’autre de l’autre et l’un de nous.
2 pour le prix d’un manie l’humour avec beaucoup de dynamisme tant dans la gestuelle que dans le texte. Evidemment, les accents belges sont toujours un déclencheur de rire, on ne peut que répéter en souriant les « quand mêyme » ou autre « m’enfin mais qu’est-c’que c’est qu’ça ici ?! ». Le comique de répétition est également toujours très efficace lorsqu’il est, comme ici, utilisé dans sa limite. L’interaction avec le public est judicieusement dosée bien que parfois un peu tirée en longueur (mais est-ce la faute de l’un ou de l’autre ?). Enfin, on est emporté par des tournures de phrases de prime abord sans queue ni tête mais qui résonnent finalement avec énormément de sens. Les plus perspicaces d’entre nous se rendront vite compte qu’il ne s’agit pas simplement d’un one-man show comique mais aussi d’une invitation à regarder dans quelle mesure on s’intègre dans cette dynamique de l’un et de l’autre.
L’ensemble du spectacle concrétise la figure de l’un dans l’autre en précisant, grâce au personnage de Freddy, que les autres se trouvent jusque dans notre reflet, autrement dit, que les autres font partie de nous-mêmes. Il rappelle qu’on est chacun l’autre de quelqu’un. À la fin de son numéro, Freddy Tougaux se dévoile enfin sous des traits qu’on ne lui connaît pas. Toute sa mise en scène prend finalement sens et l’on comprend que l’humour qu’il a ainsi utilisé engage une conclusion importante et trop souvent oubliée.