Suite à l'explosion d'une navette spatiale au décollage, les autorités décrètent le niveau d'alerte maximum pour toutes les missions en cours. Les relations avec le centre de contrôle sont réduites au strict minimum, une occasion pour les astronautes de vivre enfin en marge du protocole !

Si Max de Radiguès choisit un décor de science-fiction, c'est davantage pour créer un microcosme que pour fantasmer la conquête de l'espace. Ses astronautes évoluent au sein de la base Mars comme à la maison ; entre corvées et loisirs partagés, ils font l'expérience de la vie en communauté et ressemblent autant à une bande de colocs qu'à des experts scientifiques.

Ces aventures ont été publiées initialement dans Ketje , fanzine de l'auteur. L'histoire s'est écrite au fur et à mesure, ce qui donne lieu à une narration tonique, qui va de l'avant, de rebondissements en retournements de situation. Le premier épisode est sorti en janvier 2020. Dès les premières planches, les astronautes vivent isolés du monde ; ironie du sort, cet isolement a vite trouvé une résonance particulière dans la vie de l'auteur puisque c'est confiné qu'il a poursuivi son scénario ! Le sixième et dernier épisode est paru en mars 2021.

Avec ce virage imposé par le coronavirus, le projet initial s'est manifestement enrichi de quelques situations. Les personnages sont soumis à une autorité lointaine et à des règles confuses, leurs occupations officielles sont à l'arrêt, ils tournent en rond, ils ont les nerfs en pelote… L'esprit d'équipe est parfois mis à rude épreuve mais la solidarité l'emporte et leur passage sur Mars leur offre pas mal de réjouissances.

Évidemment, la Terre continue de tourner et les événements importants d'outre-Mars parviennent à pénétrer la bulle des astronautes, alors ils doivent gérer ensemble les états d'âme de chacun. Ellen, la capitaine de la base, se montre un rien autoritaire, ce qui ne l'empêche pas d'être dépassée par les événements. Amir est aussi nerveux que décontracté, Kim passe du rire aux larmes. Vlad fait preuve de créativité tandis que Maddison temporise...

Il y a aussi David, un personnage au destin parallèle : à l'annonce de l'alerte, il a refusé d'évacuer la station spatiale internationale, pour rester seul en orbite. Pure folie ? Revendication politique ? Sur les réseaux sociaux, mauvaises langues et complotistes ne se privent pas de commentaires, David se détourne alors d'internet et met la Terre en sourdine. Il lâche prise. Heureusement, la base Mars parvient à établir une liaison pirate avec lui... ce qui enrichit encore les relations entre les astronautes.

Le style de Max de Radiguès est plutôt direct. Les lignes sont nettes, les décors sont fonctionnels, c'est-à-dire au service de la mise en scène. Les dialogues ont une fonction importante car les caractères s'affirment dans les échanges. Entre coups durs, déviance collective et moments d'accalmie, les émotions circulent et donnent du rythme au récit.

Si l'auteur joue avec les stéréotypes (les astronautes sont renvoyés à leurs différentes nationalités par exemple), c'est pour mieux les déconstruire et faire évoluer ses personnages. Sur un ton vif et humoristique, Alerte 5 emprunte à l'actualité, fait écho à des questions de société et s'amuse du confinement, de cette façon Max de Radiguès donne des clés au lecteur afin qu'il se projette facilement dans ce joyeux bazar.