Apparition d’une éclipse
Dans la vraie vie , Aliette Griz écrit, anime des ateliers d’écriture, live-tweete et glane de la matière – du matériel tant qu’elle le peut. Son livre S’éclipser raconte une histoire de rupture depuis le versant inexploré de la chose, de politique au propre comme au figuré, d’attente(s) et de rendez-vous manqués.
Qui es-tu, Aliette Griz ?
Je suis arrivée dans l’écriture par le blog et l’anonymat, sous mon surnom, Griz. Le blog ayant été une activité assez ludique au premier plan, je n’ai pas considéré cette écriture sous cet aspect professionnel pendant un bon moment… jusqu’à ce que me vienne l’idée d’éditer des choses que j’avais écrites.
… Et hors écriture ?
J’ai du mal à être « hors écriture » aujourd’hui. Je ne suis, quelque part, que dans l’écriture : je glane ce qui peut être glané, j’aime amasser du matériel d’écriture à tous les instants. Disons, pour poser une appellation, que je suis une freelance artistique.
Pourquoi ce surnom, Griz ?
Pour la couleur grise et pour le grizzli, un animal de compagnie fort sympathique au caractère bien trempé, qui me correspond plutôt bien.
D’où a démarré l’idée de
S’éclipser
?
C’est un mystère absolu ! Ce texte a au moins sept ans. Dans mon souvenir, j’avais envie d’écrire un livre sur la politique telle qu’elle est devenue : un spectacle. J’ai accompagné l’homme politique d’une mannequin (avant que cela arrive dans la
vraie vie
) et mon histoire, sans prévenir, est devenu le récit d’une rupture. L’histoire m’a échappée !
Il me semble que S ’éclipser est la chose que j’ai écrite le plus facilement : je rédigeais un paragraphe, puis un autre, laissait le projet de côté un temps, le reprenait. C’est un petit peu par hasard que ce projet est devenu un livre.
Rien d’autobiographique, donc, dans
S’éclipser
?
Mis à part quelques détails, non, rien ! Nous en rigolions avec l’éditeur, parce qu’avant
S’éclipser
, j’ai publié un livre qui raconte mes cinq premiers voyages en tram à Bruxelles. Pour le coup, c’est entièrement autobiographique, mais il y a des côtés tellement surréalistes qu’on ne le dirait pas !
Qu’est-ce que
S’éclipser
peut raconter sur la souffrance d’être celui qui laisse, par rapport à celle d’être laissé ?
Je ne sais pas si c’est le point de vue de la personne qui part, je crois qu’après tout elle réalise que son histoire n’existait pas vraiment. On imagine bien souvent la personne qui quitte comme triomphante, détachée de la personne qui est quittée. C’est un immense malentendu.
Pourquoi l’éclipse comme moment de retrouvailles, de rendez-vous ?
À l’époque de l’écriture il y avait eu une éclipse, on en parlait beaucoup. J’aimais l’idée qu’elle entende parler de l’éclipse et décide d’aller la voir toute seule, comme si elle en était capable. Lorsque l’on est en couple, on pense plutôt à faire ce genre de choses ensemble.
Raconte-nous l’origine des titres des chapitres ?
Les titres des chapitres sont les jours depuis le début de l’histoire entre mon personnage et l’homme qu’elle quitte.
Ils ne sont pas dans l’ordre. Cela n’a pas été trop difficile de faire des allers-retours ?
Pas vraiment ! J’ai écrit les chapitres au fur et à mesure des années sans penser que ça allait devenir un livre. De temps à autre, j’ouvrais ce document qui s’appelait à l’époque « Une petite histoire de cœur », et je rajoutais un jour. J’arrivais toujours bien à m’y retrouver, mon personnage est seul, il n’y a pas cent mille détails comme on en trouverait dans un roman policier.
Il y avait quand même l’idée que la mémoire est décousue : lorsqu’on songe à une histoire, d’un coup des souvenirs ressurgissent sans qu’on s’y attende. L’histoire pourrait sans doute fonctionner avec les chapitres disposés dans un tout autre ordre.
Comment s’est déroulée l’édition de
S’éclipser
?
J’ai adoré que tout se soit passé très vite, que rien ne fût prévu. Il y a eu des échanges avec Antoine Wauters [
NDLR
: directeur de la collection iF]. En septembre, il m’a annoncé qu’il allait publier le livre, et en février c’était fait ! Je n’ai pas eu le temps de me poser des questions.
Lorsqu’on devient auteur, on attrape d’autres attentes. J’aimerais bien ne pas les avoir. Le côté « professionnel » de l’écriture me fait un peu peur, j’aime l’idée que l’écriture reste très libre. Que l’on puisse encore, même si l’on a publié un roman, faire tout autre chose en écriture.
Quels sont tes projets à venir ?
Un roman chez Onlit est prévu pour octobre. J’ai quelques projets en tête mais je ne suis pas pressée. J’aime l’idée de ne pas pouvoir vivre de l’écriture, cela donne toute liberté de ne pas se forcer à enchaîner les projets. Puisque l’argument économique ne tient pas, autant prendre son temps.
Et Bruxelles, alors ?
J’habite ici depuis dix ans, et je me vois bien rester là. Quand
S’éclipser
est sorti, on m’a présentée comme une auteur belge et je ne trouvais pas ça incompatible : qui sait si je ne serai pas une auteur belge toute ma vie.