critique &
création culturelle
Blue
un documentaire qui fait des vagues

Le Festival Millénium est le rendez-vous incontournable des amateurs de cinéma documentaire à Bruxelles. La onzième édition a lieu du 22 au 29 mars 2019. Son thème ? La consommation sous toutes ses formes.

Partout dans le monde, de nombreux documentaires sur l’environnement émergent, nous mettant en garde sur l’impact que nos habitudes peuvent engendrer . Blue est un de ceux-là. Présenté au Festival Millénium, ce film militant australien nous parle spécifiquement des océans et de certaines de ses problématiques actuelles, de la pêche illégale aux dégâts causés par le plastique en passant par la disparition d’espèces.

Les premières images sont un vrai régal pour les yeux, l’eau est bleue et les bancs de poissons se déplacent avec plus de grâce qu’une danseuse étoile. Des plans très larges sur une étendue d’eau à perte de vue nous plongent dans un état de plénitude. Cela pourrait être le début d’un film familial sur la vie sous-marine, créé pour faire rêver les enfants, tant ce spectacle n’est qu’émerveillement. Très vite, la voix de l’océanologue Lucas Handley nous sort de notre rêve bleu pour nous informer que tout cela n’est qu’une grande illusion. En réalité, à force de prendre les fonds marins comme des lieux d’approvisionnement illimités, nous avons perdu la moitié de la vie marine au cours des quarante dernières années. L’océan montré à l’écran est donc celui d’un présent peu glorieux où les espèces disparaissent à grands coups de filets de pêche ou d’ingestion malheureuse de plastique.

Blue est le premier long-métrage de Karina Holden mais sa passion pour les messages environnementaux ne date pas d’hier, ayant déjà travaillé pour National Geographic ou Life on the reef . Financé grâce à une campagne de crowdfunding, le documentaire ressemble à un cri du cœur délivrant un message très clair : nous devons agir maintenant pour protéger les océans. C’est aussi l’avis de sept « gardiens », appartenant au mouvement mondial #oceanguardian, qui s’engagent à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger les fonds marins. Ce sont eux les héros du film, découpé en plusieurs parties, dont les actions inspirent tous les défenseurs de la cause. Chacun de ces gardiens de l’environnement donne son propre point de vue sur une problématique auquel il est confronté. Les premières parties sont consacrées à Madison Stewart et Mark Dia qui nous présentent le côté obscur de la pêche. La première lutte pour son interdiction en Indonésie, premier pays exportateur des ailerons de requins, tandis que le deuxième, militant pour la défense des océans pour Greenpeace en Asie du Sud-Est, révèle des pratiques de pêche illégale et des abus en matière de corruption et de droit du travail au sein de l’industrie des produits de la mer.

Si les premières parties sont consacrées à la pêche, ce n’est pas pour autant le seul sujet traité par le film. Ainsi, en Australie, Philip Mango nous emmène au cœur des opérations de secours des tortues marines tandis que l’océanologue chevronnée de 82 ans, Valerie Taylor, déplore que les nouvelles générations ne verront jamais l’immense diversité marine qu’elle a connu. Des images d’archives ont été intégrées au montage et nous prouvent encore un peu plus à quel point nous avons laissé les choses se détériorer. Si le fond est bien sûr l’essence du film, la forme n’est pas en reste pour autant : en témoigne une esthétique parfaitement maîtrisée, malgré des images parfois plus que sordides.

Le documentaire traite aussi de la problématique du plastique par l’intermédiaire de Tim Silverwood et du Dr Jennifer Lavers. Les plages et les océans en sont envahis, ce qui entraîne des dégâts sur les animaux qui en ingèrent en grande quantité. Les images d’oiseaux marins subissant des lavages d’estomac font partie des scènes les plus marquantes du film. Le chiffre est édifiant : ils sont un million à mourir chaque année de l’ingestion de plastique et, en 2050, il y en aura davantage dans l’océan que de poissons. Le film termine tout de même sur une note positive, nous encourageant à réduire les emballages, investir dans des entreprises éthiques, appeler à la protection des requins ou utiliser des produits réutilisables.

Blue est un film efficace. Grâce à des images saisissantes et des intervenants particulièrement intéressants, Karina Holden signe un documentaire époustouflant qui donne à réfléchir. En effet, elle ne se contente pas de filmer le pire, bien que nécessaire à notre prise de conscience, mais nous donne aussi des pistes de réflexion pour consommer et agir intelligemment. Blue est aussi profondément actuel. À une époque où les manifestations pour le climat se multiplient partout dans le monde, le film arrive comme une source de documentation supplémentaire, nous permettant de voir sous la surface afin d’ouvrir les yeux sur toutes les problématiques ignorées, cachées sous les vagues. Un véritable choc mais aussi un film d’espoir, lancé comme une bouteille à la mer.

Même rédacteur·ice :

Blue

Réalisé par Karina Holden

Australie, 2017

76 minutes

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