Brussels Podcast Festival
Quand le silence est bruit, on n’entend plus les cris. Le silence se transforme alors en indifférence. Dans le cadre du Brussels Podcast Festival, l’artiste, poétesse et romancière Lisette Lombé nous partage son rapport à la littérature.
Fermez vos yeux. Où que vous soyez, fermez vos yeux et écoutez le silence, saisissez l’indifférence. Le doux vrombissement d’un trafic lointain, le chant des premiers oiseaux que le soleil réchauffe en haut des pins, le crissement des roues du train, l’ouragan de la rame de métro, le tsunami de notifications qui vibrent, s’allument, s’éteignent, s’allument, qui sonnent, vibrent encore et finissent par causer un tremblement de terre dans notre esprit dès les premières heures du matin. Entendez-vous encore le silence ? Je n’entends plus qu’un bruit de fond mécanique, et mon comportement devient automatique. Ce bruit de fond est un autre silence. Il est silence de vie. Il est silence de couleur, silence de lumière, silence de connaissance, silence d’absence, silence de poésie, silence de cri. Nous ne pouvons pas permettre au silence d’oublier.
Le Brussels Podcast Festival tente de briser ce silence, d’écouter chaque voix dans sa singularité, d’où son intitulé : « singularités plurielles ». Cette seconde édition du festival se veut « diversifiée, inclusive, engagée, participative et réflexive ». Les podcasts tenteront d’explorer des solutions pour tendre vers un monde plus égalitaire et plus juste.
Le Book club est une émission qui reçoit des femmes qui expliquent dans un premier temps le rapport qu’elles ont avec la littérature. Dans un second temps, elles choisissent de partager avec nous une œuvre qui les a accompagnées et qui les raconte. Aujourd’hui, c’est l’artiste, poétesse et romancière Lisette Lombé qui est venue nous parler de sa relation aux livres. Elle est accompagnée dans cet échange par la journaliste Agathe Le Taillandier.
Lisette Lombé n’a pas un rapport sacralisé aux livres. Elle laisse les mots en liberté. Les livres s’introduisent, s’en vont et parfois reviennent. Souvent, ils s’imposent quand il est l’heure de les ouvrir et de les découvrir. Les livres se partagent, et sa bibliothèque est en perpétuel mouvement. Lorsqu’elle était enfant, les livres étaient omniprésents. Ses parents possédaient de grandes bibliothèques dans toutes les pièces de la maison. Les livres étaient leur richesse. La lecture l’a menée à l’écriture, qui est arrivée très tôt également. C’était un flux naturel et qui « virevolte ». Enseignante, animatrice d’ateliers d’écriture et engagée auprès de différentes associations, pendant des années Lisette Lombé reçoit la parole des autres. En 2015, elle fait un burn-out et se rend compte qu’il y avait une voix qu’elle avait oubliée d’écouter : la sienne. L’écriture reprend alors sa place d’évidence :
« Je brûle de désir. Il y a des textes liés à l’érotisme, à une sexualité assumée, flamboyante, qui n’a pas envie d’être dans des cases. Je brûle le patriarcat, le sexisme, le racisme, l’homophobie, tous ces systèmes de domination, ces plafonds de verre, ces racismes d’état, tout ce qui nous rend petits. »
L’écriture de Lisette Lombé est proche du slam. Elle prend sa source dans l’expérience et trahit l’urgence. Sa volonté première n’est pas de faire du beau. L’écriture automatique permet aux mots d’être assez libres pour qu’ils puissent être justes. Pour Lisette Lombé, le texte n’est pas une finalité : « Le recueil, ce n’est qu’un endroit du texte. Il vit avant et il vit après. » Voilà pourquoi elle accorde de l’importance aux lieux dans lesquels seront prononcés ses textes et aux personnes qui seront présentes.
Le livre qu’elle nous présente est Apprendre à transgresser de Bell Hooks. Pour l’auteure, il faudrait faire de la classe un lieu passionnant, un lieu de joie, un lieu où on peut confronter ses idées sans avoir peur d’être renié dans sa dignité. Le professeur n’incarne pas le savoir. Il est lui-même dans une position d’humilité. Selon Lisette Lombé, si les narrations se sont aujourd’hui multipliées, nous ne sommes pas encore arrivés à une narration commune. Les voix qui ont été mises sous silence pendant des décennies, voire des siècles, brûlent sous la puissance de leurs cris. On ne peut leur demander d’écouter en même temps. La flamme est intransigeante et carbonise toute possibilité de retour en arrière. « Si chacun reste dans cette colère, plus personne ne s’écoute », dit-elle. « Pourtant, le racisme, le sexisme, la transition écologique… tout est lié par cette envie de requestionner le respect ; par cette envie d’un monde nouveau. »
Pour parvenir à un monde plus juste, qu’est-ce que Lisette Lombé nous conseillerait de transgresser ? « Tout ce qui fait carcan, tout ce qui blesse, tout ce qui fait qu’on ne se sent pas respecté, tout ce qui fait qu’on n’est pas aligné, qu’on n’est pas en train de grandir. » 1 La construction d’un monde plus juste commence par l’écoute. N’hésitez pas à faire un tour sur le site du Brussels Podcast Festival pour enrichir votre horizon d’autres voix singulières.