Chassé-croisé # 1
Avons-nous plus peur de la mort ou de la vie ? Comment réagir lorsqu’on y est confronté sans s’y être préparé ?
Dans le Cœur régulier , son deuxième long métrage, Vanja d’Alcantara nous imprègne d’une philosophie silencieuse et d’une Nature qui hurle sa force, dans un coin du Japon éloigné du vacarme des grandes villes.
Alice (Isabelle Carré) mène une petite vie parfaite. Vivant dans une grande maison avec ses deux adolescents et son mari, elle vit dans une routine confortable qui commence pourtant à lui être désagréable. Lorsque son frère Nathan (Niels Schneider) rentre du Japon pour quelques jours, Alice le voit sous un nouveau jour, transformé par ses rencontres au pays du soleil levant. Il est heureux. Il vit, contrairement à elle. Il lui propose de le rejoindre lors de son prochain voyage sans pouvoir la convaincre vraiment. Elle changera d’avis le lendemain, après avoir appris la mort brutale de Nathan dans un accident de la route. Brisée, Alice part sur les traces de son frère, à la recherche de Daisuke (Jun Kunimura), l’homme qui lui avait appris à vivre.
Le Cœur régulier est un film plein d’équilibre. Que ce soit entre les concepts de vie et de mort, qui constituent le fil rouge du récit, entre le bruit et le silence ou entre l’Occident et l’Orient, le film puise ses forces dans des confrontations. Rien de violent là-dedans pourtant : c’est avec délicatesse et patience que tout se mélange et se complète. Par exemple, le début du film est très sonore. En quelques minutes défilent plusieurs chansons rythmées et fortes, qui se manifestent brutalement et s’interrompent de la même manière. Bien que cela ne soit pas désagréable, l’impression est étrange. Quelque chose ne va pas.
Ce quelque chose, on le découvre dans la seconde partie du film, constituée de silences. Les deux extrêmes se succèdent assez rapidement, donnant l’impression presque palpable de changer de monde. Il s’agit de passer du mode de vie à l’européenne, pressé et assourdissant, à un certain mode de vie asiatique, patient et silencieux. Alice, tout comme les spectateurs, doit s’y habituer et apprendre à y puiser de la force. Vivre en harmonie. Laisser les opposés se rejoindre pour y trouver une force nouvelle.
Mais prendre conscience de ces équilibres fragiles ne se fait pas en deux secondes. Comme tout bon apprentissage, cela demande un certain temps et une certaine patience. Le Cœur régulier est l’histoire d’un chemin qui va transformer Alice de part en part. Ce chemin n’apparaît d’ailleurs pas qu’au sens figuré, il est aussi dessiné par la caméra, qui passe beaucoup de temps à suivre Alice, de dos, plutôt que de la montrant avançant vers nous dans le cadre. La route se dévoile à elle comme à nous et nous invite à partager ses secrets. On suit un personnage qui va se transformer au fur et à mesure, mentalement et physiquement, comme le montre l’évolution de sa coiffure, de son style vestimentaire ou de son sourire.
Fort dans ses messages et dans sa philosophie, le Cœur régulier est d’autant plus touchant qu’il raconte l’histoire d’un Japonais ayant réellement existé et ayant sauvé plusieurs dizaines de vies. Malgré la difficulté pour une réalisatrice occidentale de le choisir comme rôle principal, Vanja d’Alcantara décide de se fonder sur le roman éponyme d’Olivier Adam pour raconter son histoire. Introduire un personnage occidental dans ce Japon inconnu était en effet la solution parfaite pour réaliser un film sincère et plein d’échanges.
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