Concealed Reality
Formé il y a deux ans, le groupe de metal core Concealed Reality ne cesse de s’imposer sur la scène metal belge où il enchaîne les concerts et les performances. Les trois membres, James, Steve et Jérémy, reviennent sur leur parcours pour Karoo.
Repenser le metal classique, le réinvestir avec des riffs qui balancent à la gueule, des ellipses et des syncopes percutantes : le metal core, dernier né de du genre metal, issu des influences du heavy metal et du punk hardcore, émerge sur les terres d’Amérique en 1980. Cette musique de la subculture est caractérisée par un son plus lourd, des breakdowns lents et des reprises violentes propices aux moshings , et quitta la classe prolétaire pour doucement s’immiscer dans les oreilles de la jeune bourgeoisie.
Pouvez-vous dresser une rétrospective de votre parcours musical ?
James, chanteur :
Concealed Reality est ma première expérience musicale aboutie. Dans mes débuts, mes influences se retrouvent dans des artistes qui sont aujourd’hui très mainstream comme Linkin Park. Il y avait une fascination singulière pour ce groupe produite par la symbiose du rap et du scream. Je n’ai jamais fait d’académie, ni de cours de chant, ni de solfège. Un jour je suis tombé sur une chanson d’August Burns Red : Composure . Autant dire qu’aujourd’hui encore, 8 ans après, il m’arrive de faire mon warm up avec cette chanson (entre autres) qui m’a aussi valu mon ticket d’entrée dans Concealed Reality. D’ailleurs ce groupe est un pilier du metalcore. J’ai erré pendant quelques temps avant de trouver un groupe. J’ai travaillé ma voix pendant cinq ans afin d’acquérir une voix scream . Il y a un travail permanent du corps, du visage, pour sortir des sons. Rien n’est laissé au hasard dans la technicité sur scène, je suis dans une performance constante à la fois sur le plan technique et scénique. J’ai d’ailleurs subi un décollement du poumon.
Mais depuis l’évolution technologique, on a accès à de la musique venant d’outre Atlantique, et nos influences changent. La scène qui m’inspire le plus aujourd’hui est essentiellement australienne. Pour n’en citer que peu dans la montagne de groupes émergeants (ou non) de ce pays au multiples talents, je parle d’office de Northlane (même si le chanteur vient de changer, j’ose espérer beaucoup d’eux), le petit Void Of Vision, et dans un registre plus lourd les incontournables Thy Art Is Murder et Parkway Drive.
Sinon je reste très attaché à la scène anglo-saxonne telle que Bring Me the Horizon, While She Sleeps, Polar. Disons que j’ai autant d’influences metal en tout genre que Hip Hop, Dance ou Trap. Mes derniers coups de cœurs musicaux sont américains. Mes recommandations du moment : Sworn In et Sylar à écouter absolument.
Steve, guitariste :
J’ai commencé la musique à l’âge de 7 ans dans une académie où j’ai étudié le solfège et la guitare jusqu’à 12 ans. J’ai eu ma première guitare électrique et j’étais à cet âge beaucoup attiré par la musique de Linkin Park et Good Charlotte. Petit à petit et surtout grâce à ma rencontre avec Théo Dumont, ex-In Arkadia (FR) à qui je dois énormément en ce qui concerne mon éducation musicale, j’ai découvert le metal et y ai pris goût. C’était pour moi la musique la plus plaisante à jouer et j’ai fait mon bout de chemin là-dedans.
August Burns Red et Parkway Drive restent pour moi aussi la définition du metalcore et en y pensant, j’ai du mal à comprendre pourquoi notre musique et celle de beaucoup d’autres groupes restent coincées sous cette appellation. Au niveau de ce qui m’influence musicalement pour Concealed Reality, je citerais Veil Of Maya, Northlane, Void Of Vision et Sworn In, mais aussi des groupes avec une attitude beaucoup plus sombre tels qu’Immoralist, Vilis, Rival ou Falsifier.
Jérémy, batteur :
J’ai commencé à écouter du metal avec Linkin Park moi aussi. Cela sans exclure d’autres groupes de cette même « génération » : Slipknot, Korn, Limp Bizkit, System Of A Down… Plus tard je découvrirai des groupes à la musique un peu plus agressive et un peu moins mainstream (à l’époque) : Killswitch Engage et Trivium.
J’ai commencé la batterie assez tardivement, et de fait je n’ai pas eu un parcours académique classique. Mon premier groupe était un groupe de rock, rien de bien sérieux, c’est avec celui-ci que j’ai vraiment appris à jouer avec d’autres gens. Après ça j’ai enchainé les concerts d’écoles et petits projets avec des amis pour enfin arriver à Concealed Reality qui est le projet le plus abouti.
J’ai choisi le metal car c’est un style de musique qui me touche plus que tous les autres, bien que je ne sois absolument pas hermétique au reste. Mes influences sont très variées dans le metal: Within The Ruins, Killswitch Engage, Architects, August Burns Red, Stick To Your Guns, Thy Art Is Murder, As I Lay Dying, Northlane… Je n’ai pas vraiment de préférence pour déterminer un groupe / artiste que je pourrais aimer, c’est souvent au feeling, c’est d’ailleurs aussi pour ça que j’aime des artistes comme Selah Sue ou Lorde qui n’ont rien à voir avec l’univers dans lequel Concealed Reality évolue.
Nous avons abordé vos influences et vos mentors, cependant quelles sont les particularités de Concealed Reality ?
James, chanteur :
Concealed Reality c’est trois types dans un groupes et une famille qui grandit chaque de jour en jour!
Steve, guitariste :
Comme on le dit toujours, on est à la fois rien et on a à la fois le sentiment d’avoir déjà accompli beaucoup car on ne se voyait jamais arriver où nous sommes aujourd’hui un jour. On est rien par rapport à ce qu’on souhaite désormais devenir et vivre un jour, et on est surtout trois bêtes types comme tout le monde. On fait tout ce qu’on peut pour continuer à vivre le rêve qu’on a commencé ensemble l’été 2013. Ça fera donc bientôt deux ans qu’on existe dans la scène et on n’a tourné (si je peux dire ça) pour le moment presque qu’exclusivement en Belgique. On fait pas mal de dates et nos efforts se sont concentrés à se représenter plus qu’à écrire de la musique. On était à l’origine cinq et ce jusqu’à 2015. Quand Arnaud (guitare) et Aurélien (basse) ont quitté le groupe au début de cette année, ce fut très difficile pour nous et on a dû trouver une solution pour ne pas tout laisser tomber et pouvoir continuer à faire des concerts et surtout rester crédible. On ne voulait pas accueillir n’importe qui dans le groupe, devoir créer une nouvelle relation aussi complice avec de nouvelles personnes et leur faire comprendre à quel point on tient énormément à ce projet et les obliger à partager nos ambitions, notre implication, nos sacrifices. J’ai alors enregistré toutes les parties d’Arnaud et d’Aurélien afin de pouvoir quand même continuer à sonner comme un groupe complet sur scène. Ces pistes s’ajoutent donc au reste des instruments pré-enregistrés tels que les claviers, les guitares additionnelles et les effets sonores qui font partie intégrante dans notre musique et dont on ne peut se passer en live. Certains trouvent ça très nul, d’autres y voient un groupe prêt à tout pour ne pas se laisser abattre. James et moi assurons du coup la présence de quatre musiciens sur le devant de la scène. Ce n’est pas facile de remplir certaines scènes, mais le spectacle se fait tout seul. Tout est très animal et instinctif, rien n’est prévu, rien n’est pareil de concert en concert. De plus, nous ne faisons presque pas de refrains. Nous sommes dans l’absolu spontanéité.
Beaucoup de mélomanes, d’auditeurs lambda, ont toujours ce sentiment de violence extrême présentes dans le metal et le metal core. Certes nous en retrouvons. Pourtant n’y-a-t-il pas un geste singulier ? N’y-a-t-il pas aussi une critique, un contenu dense, et un certains regards exercés sur le monde ?
Steve, guitariste
En effet, une grande majorité de critiques, d’auditeurs, sont virulents et pour eux, le genre metal est inaudible. Mais ils ne prêtent pas attention aux gestes effectués. Nous essayons de travailler sur une thématique précise : ouvrir les yeux sur le fait qu’on vit tous des choses qu’on ne partagera jamais avec le reste du monde et que c’est dans la nature humaine. Cette part de vérité irréfutable qui est égoïstement préservée pour soi, afin de ne pas se brûler les ailes aux yeux du monde. Cette part de soi qui fait qu’on est nous, mais dont on n’est pas toujours fier.
James, chanteur
On essaie peut être inconsciemment de faire comprendre aux gens qui nous écoute que l’on rate trop de chose autour de nous. Ouvrir les yeux sur toutes ces questions que chacun se pose dans sa tête chaque jour mais n’ose pas révéler. Des défaites et des victoires, notre questionnement personnel sur notre place dans l’univers, nos violences internes, la difficulté de maintenir l’unité dans la tension des différents qui cohabitent.
Nous aimons travailler et penser la Perversion des gens, ce que l’on vit sans le communiquer. Une réalité non assumée. Personne ne va assumer son intime perversion. Combattre le faux semblant permanent. On questionne aussi les contingences qui nous ont amenés, forcés à être nous-même (cf. la musique Distant Past) mais aussi les perceptions étranges des choses qui nous entourent.