Dreaming Walls: Inside the Chelsea Hotel est un documentaire réalisé par les Belges Amélie Van Elmbt et Maya Duverdier. Elles y rendent un authentique hommage au mythique refuge artistique de la contre-culture new-yorkaise en nous emmenant dans ses entrailles entre traditions, réflexions sur l’art et architecture.
Que l’on s’intéresse de près ou de loin à la contre-culture américaine, le Chelsea Hotel fait inconsciemment partie de notre mémoire collective et notre culture, que ce soit via les icônes du XXe siècle qui ont traversé ses murs, ou encore les chansons qui y rendent hommage. Un mythe qui se nourrit des allées et venues d’artistes souhaitant à chaque fois marcher sur les pas de leurs modèles.
Fondé en 1883, le Chelsea Hotel est situé, sans surprise, dans le quartier Chelsea de New York. Il s’agit du tout premier building communautaire qui y est créé. Particulièrement considéré comme un symbole de la contre-culture des années 1960, le lieu accueille et attire depuis plus d’un siècle des artistes et créateurs de tous horizons. Parmi les icônes qui y ont séjourné, on peut citer Patti Smith, Bob Dylan, Leonard Cohen, ou encore les artistes de la Factory d’Andy Warho l (autre lieu mythique new-yorkais). Ces derniers font poursuivre sa course au mythe. De nombreux musiciens ont également composé des chansons dédiées ou faisant référence à leur refuge d’un temps. On peut par exemple citer « Chelsea Hotel No. 2 » de Leonard Cohen et « Chelsea Girls » de Nico. Un documentaire réalisé par Andy Warhol en 1966 porte également ce nom.
Une image d’archive d’une jeune Patti Smith introduit ainsi le documentaire où nous pouvons la voir raconter la raison de sa venue : marcher sur les pas de son idôle, le poète Dylan Thomas. La séquence qui suit illustre particulièrement bien le titre du documentaire, des images d’icônes de l’art s'enchaînant, décalquées sur un mur de briques. Comment les mythes, et autour d’un lieu notamment, se forment-ils ? De quelle manière perdurent-ils ? Nuisent-ils ou pas à ce dont ils font l’objet ?
Programmé lors de la cinquième édition du Mois du Doc qui met à l’honneur le cinéma documentaire belge francophone, Dreaming Walls est sorti le 9 novembre dans nos salles. Il est notamment coproduit par Martin Scorsese. Ce sont deux réalisatrices belges, Amélie Van Elmbt et Maya Duverdier, qui s’attèlent à déconstruire le mythe tout en rendant hommage au lieu et surtout aux personnes et aux artistes qui continuent à se battre pour le préserver, au-delà de la légende qui l’entoure. Le Chelsea Hotel se trouve en effet, aujourd’hui, à un moment critique : en pleine reconstruction, il rouvrira ses portes dans deux ans, mais ce sera désormais un hôtel de luxe, cassant ainsi un peu son image « d’emblème de la bohême ».
I remember you well in the Chelsea Hotel
That’s all; I don’t even think of you that often
Leonard Cohen, « Chelsea Hotel No. 2 »
Dreaming Walls dresse avant tout des portraits touchants des artistes résidant à l'hôtel, les montrant parfois à l'œuvre, ainsi que certaines personnes qui y travaillent. Il ne se complait pas dans une émulsion d’images d’archives du siècle passé même si elles sont ponctuellement présentes et que les temporalités se confondent parfois. La vie post-mythe est davantage mise à l’honneur, s’attardant sur ses derniers résidants, les personnes qui y sont vraiment attachées plutôt que celles de passage.
Avec des réflexions sur l’art et la création, sur l'hôtel et son histoire, rien ne nous est imposé, nous gardant libres de nous forger une réflexion. Les aléas de la vie dans l'hôtel nous sont aussi dévoilés, notamment avec les travaux liés à la reconstruction, parfois difficile à vivre pour ses résidents qui se confient à ce sujet. Il va ainsi au-delà de son statut d’icônes du XXe siècle, mettant aussi par ailleurs son aspect architectural et son projet d’origine en avant.
« Il est vraiment facile de maintenir un mythe en vie. Mais derrière le mythe, il y avait des vrais gens qui l’ont vraiment créé et sans eux il n’y a rien. » Amélie Van Elmbt
Porté par la bande sonore ambiante du compositeur américain Michael Andrews ( Donnie Darko ) et quelques animations psychédéliques, Dreaming Walls apporte une certaine originalité et casse un peu les codes du film documentaire contemporain, en ne tombant jamais dans le mysticisme exagéré. Il dresse un portrait réaliste du lieu tout en rendant hommage et en assumant son histoire, nous montre aussi que malgré le temps qui agit dessus, il reste un peu de rêve dans les chansons, chez les derniers résistants et vestiges d’artistes qui ont émergé entre ses murs.