Deux artistes tournaisiens réunissent leurs créations pour offrir l’exposition Everything Flows . Réjean Dorval et Yeung Fun Yuen épanchent leurs réflexions existentielles par le dessin avec une incommensurable poésie. Fleurs et rochers bercent nos esprits et rythment l’exposition.
C’est au cœur de la ville de Tournai que Réjean Dorval et Yeung Fun Yuen déposent leurs dessins. Réjean Dorval est né au Québec, il a étudié les sciences humaines à l’université de Montréal puis à Paris. En 2004, l’artiste décide de reprendre des études artistiques à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai. Aujourd’hui, il y travaille comme assistant dans l’atelier de dessin dirigé par Saskia Weyts. Depuis 2014, il se forme également à la danse contemporaine et à la performance. Quant à Yeung Fun Yuen, il est né à Hong-Kong. Il a obtenu un diplôme National Supérieur d'Expressions Plastiques en France puis a poursuivi son Master de spécialisation en dessin, en Belgique. Aujourd’hui, il exerce sa pédagogie auprès des étudiants de l’ESA de Saint-Luc à Tournai et de LOCI UCL.
Dans Everything Flows, Réjean Dorval nous présente des dessins au fusain accompagnés d’installations. La première œuvre visible de l’artiste est un immense dessin d’un rocher en pleine nature. Cette création est pour moi l'œuvre phare de l’exposition. Celle qui nous permet d’entrer dans l’intimité des artistes comme dans une caverne par laquelle nous pénétrons dans l’exposition. Juste en face de cette proposition, un arbre fragile est posé délicatement contre le mur, dont les branches presque cassantes semblent pouvoir s’écrouler à tout moment. Les deux œuvres, l’une en face de l’autre, hurlent en silence la force et la fragilité coexistant au sein du vivant. Le langage des œuvres est émouvant, peut-être mouvant. Au sol, quelques galets nous ramènent directement au sujet de l’exposition et à la thématique principale de Réjean Dorval : l’apparente permanence de la pierre.
Yeung Fun Yuen propose une sélection de dessins de fleurs. Ces beautés naturelles sont représentées dans leur cycle de vie et de décomposition. Ces étapes sont superposées sur des toiles et des feuilles de dessins, au fusain, mélangées aux pastels puis à l’eau… Les traits se superposent, se confondent pour créer l’histoire d’une fleur, d’une vie. Les couleurs s’estompent, se mélangent, s'associent et se dissocient pour finalement effacer certaines limites, offrant par endroit des lignes abstraites.
Paradoxalement, l’impermanence exprimée nous parle d’une infinie fluctuation. Ces dessins se lisent comme une calligraphie du temps qui passe et de la mouvance du vivant auxquelles nous sommes soumis.
Cependant, malgré mon intérêt pour les thématiques abordées et les artistes présents, je garde la sensation qu’un élément manquait à la bonne transmission des émotions. La poétique et les réflexions étaient bien présentes, pourtant j’ai mis du temps à me laisser embraser par l’exposition et à me laisser émouvoir par les œuvres. Mes attentes étaient certainement différentes au niveau de la scénographie et cela m’a déconcerté. En fait, je pense qu’une plus grande quantité d’œuvres m’aurait permis d’accéder à des émotions plus foisonnantes et surtout percevoir l’abondance du flux exprimé.
Au sein d’ Everything Flows, les dessinateurs partagent de nombreuses réflexions existentielles, poétiques et complémentaires. Du temps qui passe à l’impermanence des corps, à l’abondance du monde qui nous entoure, à la poétique omniprésente que nous incarnons. L'apparente dualité entre les fleurs et les pierres n’est qu’illusoire car elles sont toutes soumises au caractère vulnérable de la vie, nous ramenant à nos propres fragilités. Nous touchons également à une grande forme de mélancolie car la mort est intrinsèquement liée au processus de la vie. D’ailleurs, certaines œuvres m’apparaissent informelles, éthérées, impalpables quand d’autres démontrent un aspect plus charnel, organique et matériel. Toutes ces ambivalences me semblent n’être que des complémentarités qui se nourrissent l’une et l’autre pour écrire le flux de la vie.