FIFF 2015
Martin, écrivain trentenaire et alcoolique, revient d’une cure de désintoxication dont le succès est plus que relatif. Il retourne vivre chez son père, un horticulteur veuf. Gabriel, son jeune frère, s’entiche de Mathilde, une séduisante blonde de trente-cinq ans. Cette femme redonnera goût à la vie à l’un et initiera l’autre à l’amour.
Du 2 au 9 octobre 2015, le FIFF souffle ses trente bougies. Les rédacteurs de Karoo sont présents toute la semaine pour offrir un regard sur une sélection de films. Retrouvez toutes leurs articles.
Il ne suffit pas de réaliser un premier film. Encore faut-il confirmer avec un second. L’entrée d’Emma Luchini dans le monde du cinéma avec Sweet Valentine avait peu emballé la critique et le public. Cet euphémisme est une sorte de politesse. C’est dire si ce Début prometteur pouvait en être un. Si dans sa première œuvre elle utilisait les codes du road movie et faisait référence notamment au cinéma de Jim Jarmusch, pour son second film Emma Luchini emprunte à un téléfilm de TF1 son esthétique, et la profondeur de son sujet.
Le roman de Nicolas Rey, duquel est adapté le film, a tout de cette littérature française apparue au début des années 2000 : névroses, style sec et léger, sexe, addiction. Un début prometteur tranchait avec ses précédents ouvrages, il s’intéressait au sentiment amoureux adolescent, avec plus de gravité, mais tombait dans les mêmes écueils qu’on peut reprocher à sa littérature. Transposée au medium cinématographique, le récit s’encombre d’un nouveau personnage : Martin. Nicolas Rey ressort là son double fictionnel qui a fait le succès de ses derniers livres : l’écrivain guéri de ses addictions, désabusé, qui recouvre foi en l’amour et en la vie, sauvé par ses proches. Dans la vraie vie, c’est sa rencontre avec Emma Luchini qui l’a sorti de ce marasme. Mais elle ne lui fait pas de cadeau en adaptant son troisième roman.
L’apprentissage solitaire de l’amour que faisait le jeune héros de papier de Nicolas est ici envahi par un frère caricatural. Et cet amour perd de son authenticité, paraît artificiel, truqué. Le triangle amoureux est un sujet artistique passionnant à condition que les personnages soient incarnés. Dans le film d’Emma Luchini, aucun enjeu ni tension. Mathilde reste vaguement énigmatique tout le long du film et s’en va à la fin puisqu’il faut bien conclure. La présence de Fabrice Luchini dans le rôle du père est sans doute un beau cadeau pour sa fille mais un cadeau empoisonné : il joue l’homme apaisé qu’il est devenu, sans bien sûr oublier une crise d’hystérie que les téléspectateurs nostalgiques du Luchini gueulard et lyrique n’apprécieront même pas. Emma Luchini le filme certes avec tendresse. Mais ne lui offre pas un rôle à sa mesure.
Si Veerle Baetens possède un charme incontestable et une véritable présence à l’écran, digne d’un magnétisme nordique, le jeune Zaccharie Chasseriaud essaye de se faire voir de Mathilde mais aussi du spectateur, et peut-être même de son metteur en scène. Car la mise en scène semble absente de ce film inhabité. La séquence finale et nocturne dans les jardins de Giverny laisse entrevoir une poésie et une beauté plastique qui auraient pu être l’univers visuel de ce film. En place de quoi, une grammaire cinématographique basique tient scolairement le film. Et c’est dommage pour Manu Payet, la vraie révélation d’un film qui n’en est pas une. Il est juste et touchant dans le rôle de Martin, amoureux et grave, et drôle dans cette scène autour des différents médicaments (seul morceau de bravoure du film). Prenons cela comme une promesse.
Au début du film, Martin met Gabriel en garde : l’amour ça vous dévaste, et puis une fille en remplace une autre. Ce qui servira aussi de morale au film. Alors j’ai repensé aux grands rôles de Luchini, aux personnages d’écrivain au cinéma et j’ai regardé la Discrète de Christian Vincent. Et tant mieux.