critique &
création culturelle

@FIFF2016

Entretien avec Mohammed Hammad

Après avoir vu le film Akhdar Yabes , vient l’heure de la rencontre avec son réalisateur.

Accompagné de son épouse et productrice Kholoud Saad (KS) ainsi que d’une bienveillante traductrice (Mme T), Mohammed Hammad (MH) nous rencontre au Théâtre de Namur pour pratiquement une heure de discussion. Le réalisateur et la productrice viennent d’Égypte et parlent arabe. Nous sommes le lundi 3 octobre à Namur pour l’édition 2016 du FIFF, le soleil perce à travers les grandes fenêtres de l’édifice et la conversation peut démarrer.

Bonjour ! Ravie de vous rencontrer !

Mme T pour MH : Eux aussi sont très ravis de vous rencontrer.

Bravo pour ce premier long métrage et félicitations. J’espère que le résultat est à la hauteur de vos espérances.

MH : un pouce levé et un sourire . KS : un sourire .

Quel est le propos du film ? Ce qu’il tend à montrer et surtout à dénoncer ? Il y a certaines scènes qui m’ont personnellement surprise, étonnée et même choquée.

Mme T pour MH : Dès le départ, il a voulu faire ce film avec cette scène choquante (précision : quand Iman se défonce l’utérus). Au fond de lui, il sait qu’il y aura des critiques. Mais, de toutes manières, pour son premier film, il était sûr et certain d’en recevoir. Ainsi, ces critiques-là vont lui servir pour son deuxième film. Il le voit comme de l’expérience. Il y a une chose aussi qu’il tient à préciser, c’est que l’histoire du film est une histoire bien réelle dans notre société. Peut-être davantage dans les sociétés du Moyen-Orient que celles de l’Occident mais il dit que ça concerne vraiment la femme en général. Que ce soit au Moyen-Orient ou en Occident, c’est l’histoire de la femme, de la vie de la femme qui souffre en silence. La génération actuelle du cinéma en Égypte, c’est-à-dire toute la nouvelle génération, n’a pas peur d’affronter les sujets qui peuvent être très difficiles à aborder en matière de culture. Mais eux n’ont pas peur de franchir cette barrière, de parler de ce qui touche tout le monde alors qu’on n’a pas forcément l’envie d’en parler car il y a une culture qui camoufle tout ça. Cette génération actuelle veut vraiment ouvrir les portes pour parler de tous les sujets sans tabou…

Affronter les choses en face ?

Mme T pour MH : Voilà, c’est ça. En face.

Tout au long du film, j’ai eu envie d’en savoir toujours plus. Non pas qu’il m’ait paru court mais, par exemple, sur le personnage d’Iman (Heba Ali). Il y a un gros plan sur des photos dans son portefeuille, sa relation avec Ahmed (John Ekram Hanna). J’avais l’impression de voir quelque chose qui manque et j’avais surtout l’envie de le voir.

Mme T pour MH : Dans la société égyptienne, en général, la cousine est toujours attirée par son cousin. C’est-à-dire qu’elle tombe toujours amoureuse de son cousin. C’est leur culture. C’est normal qu’elle l’aime et qu’elle ait une photo de lui dans son portefeuille mais ce n’est pas une relation réelle. C’est pour cette raison qu’il n’a pas rajouté plus de choses à ce sujet dans le film.

La relation de la sœur, Noha (Asmaa Fawzi), avec son futur mari est pourtant très importante. Ils vont tous les deux se marier. C’est la raison pour laquelle Iman va voir leurs oncles, afin qu’ils soient présents à leur mariage. Pourquoi ne pas s’attarder sur cette relation ? Qu’est-ce-qui prévalait ?

Mme T pour MH : Il voulait vraiment que ce soit une relation froide et où il n’y aurait jamais eu quoi que ce soit de réel. La sœur d’Iman va se fiancer. Elle doit se fiancer pour pouvoir partir, pour vivre autre chose. Il n’y a pas de véritable relation. En Égypte, les femmes doivent se fiancer pour quitter le foyer. Pour sortir de chez elle, elle doit se fiancer et donc, avoir un homme. Il s’agit d’indépendance plus qu’autre chose. Par exemple, durant la scène du thé, on voit Ahmed apporter trois verres. À un moment, il demande à Iman si elle veut du sucre et elle répond que non. Mais, elle finit par en mettre pour elle, son oncle et non pas pour Ahmed. C’est pour montrer qu’il n’y a pas de relation. C’est quelque chose relevant de l’imaginaire.

Même rédacteur·ice :

Akhdar Yabes

Réalisé par Mohammed Hammad
Avec Heba Ali , Asmaa Fawzi , John Ekram Hanna
Égypte , 2016
73 minutes

Voir aussi...