@FIFF2016

marie l’absurde en plans larges et le regard pince-sans-rire sur la Roumanie postcommuniste. Une comédie sociale singulière, signée Paul Negoescu.
« Diantre, un film social roumain. On dirait le début d’une blague. C’est pas vrai, on se coltinait déjà des films sociaux pas folichons en français au FIFF, maintenant on doit les regarder en roumain. Mais qu’est ce qui est passé par la tête des programmateurs ? »
Telles étaient les réflexions qui occupaient mon esprit avant la vision de ce film. Mais en plus, ce film avait l’outrecuidance de s’annoncer comme une comédie sociale. « Une comédie roumaine ? C’est possible, un truc pareil ? » me demandais-je. Après tout, je venais de passer deux années d’études de cinéma avec une professeure roumaine, dont le sens de l’humour me laissait au mieux froid, au pire frissonnant de peur.

Enfin, en bon velléitaire, je m’étais décidé à la dernière minute sur les films que j’allais voir : il fallait donc payer le prix. Mais avec
Deux Billets de loterie, j’ai touché le gros lot.

Mais surtout, ces différents plans larges sont construits comme des tableaux, dans lesquels le réalisateur reconstitue les différentes strates de la société roumaine, qu’il fait ensuite se succéder grâce au montage. Défile alors un kaléidoscope aussi fascinant que drôle de petits voyous, de junkies paranoïaques et autres prostituées au grand cœur. Cet effet de « scènes » qui se succèdent doit beaucoup au milieu théâtral roumain, particulièrement développé, avec lequel les milieux du cinéma entretiennent des liens étroits.

C’est en cela que le film de Paul Negoescu déroute au premier abord, car dès les premiers gags, en choisissant de ne pas employer de gros plans, le réalisateur déjoue nos habitudes de spectateur. Parce que le montage ne nous indique plus quand rire, on se pose dès lors la question : « S’agit-il vraiment d’un gag ? » Toute la difficulté est ici de dépasser ses habitudes conditionnées afin de découvrir une comédie riche en gags de toutes sortes.

Est-il vraiment possible de concilier deux genres aussi différents que la comédie et le film social ? Le pari me semblait difficile, voire impossible. Et pourtant, Paul Negoescu est parvenu à prouver qu’il est encore possible de réaliser un film social sans tomber dans le pathos, et de faire une comédie sans recourir à des blagues raciales balourdes et indélicates. Chapeau bas, monsieur Negoescu.