critique &
création culturelle

Finale du concours-circuit 2023

De nouvelles fleurs dans la serre du Botanique

Le Concours-circuit c’est un peu le Koh-Lanta de la musique en Fédération Wallonie-Bruxelles : 460 candidatures pour cinq groupes en finale. Le 8 décembre avait lieu l’épreuve des poteaux au Botanique. Sans les vagues, sans les poteaux. Mais des concerts pour tous les goûts ‒ ou presque. Focus sur une soirée diversifiée et diversifiante.

Ce soir c’est Concours-circuit au Botanique. J’arrive en retard. Ne me jugez pas, c’est une maladie. Et puis je me dis que ce n’est pas si grave d’arriver en retard car j’ai en tête que le premier groupe fait du métal. Désolée pour les amateur·ices de métal : les mots gentils arrivent plus tard, ma bienveillance est impactée par mes petits problèmes de ponctualité. Je commande un verre au bar, je capte de loin et sans surprise ce qui se trame dans la salle de concert : du gros bruit. Armée d’un Chardonnay grand cru dans mon verre en plastique, je me fraye un passage vers l’entrée de l’Orangerie. Dans l’embrasure de la porte, première chose que je vois : la robe blanche de poupée que porte la chanteuse. J’adore. J’adore les robes. Ok c’est bon, iels ont capté mon attention, je ne m’attendais pas à ça. Je suis prête à les écouter. Quand je me glisse, entre les gens, pour entendre les quelques morceaux qui restent du groupe, je me surprends à être curieuse. Attention, première vérité universelle de cet article : en fait, comme tout ce qu’on connait pas bien : ça reste intéressant. Ocean Encounters me fout une légère petite claque aux préjugés. Je sens qu’il s’y joue autre chose que « juste du bruit qui fait mal aux oreilles ». Scéniquement, c’est un jeu subtil et réjouissant sur les contrastes. Entre la violence proclamée des lâcher-prises, du volume abusif, et la douceur qui se trahit de part en part dans leur prestation musicale et leur contact avec le public : les remerciements chaleureux aux bénévoles, la complicité collective, les gestes de prévenance que les musicien·nes ont entre elleux, le bassiste qui organise un pogo tout en demandant de faire attention à tout le monde, etc. Du côté de la fosse, on se meut comme une méduse : de bas en haut, tout le monde (ou presque) opine du corps. Et puis, l’énergie de la chanteuse est sidérante. En plus des jus détox qu’elle boit tous les matins pour hurler pareil, elle doit facile manger deux ou trois steaks en acier chromé par jour. D’ailleurs, étymologiquement, le mot métal… Je n’ai pas le temps de vérifier le vrai du faux sur le site de l’Académie française que je me retrouve propulsée au bar, contre ma volonté, et du bar à la Rotonde (il y a du monde, il y a du monde) pour écouter le second concert.

Flxwride (prononcez Flowride), jeune formation bruxelloise qui surfe sur une vague hip-hop à la Lil peep (with a touch of emo) ne lésine pas sur le don de soi : les deux frères sautent sur place comme des criquets et parviennent à créer du répondant de la part du public. « Quand je crie catch you up, vous criez fuck you up ». C’est simple et efficace. On sent néanmoins encore trop l’exercice de style et les références. Les backing tracks prennent le dessus et l’accompagnement en lisping (principalement) du chanteur, laisse une partie du public (moi, disons-le) sur sa faim.

De retour à l’Orangerie, c’est au tour de Fokkop.era d’enflammer la salle. Petit changement de set-up, images projetées au mur. Visuellement, on renoue avec la nostalgie des archives VHS et des effets caméras thermiques qu’on a découvert en 2000 sur Photobooth. Un synthé, une batterie, une voix. Du rap west-coast comme on aime, quand on aime. C’est peut-être à mettre sur le compte de ma date de naissance mais c’est plutôt mon cas. La performance fait preuve d’une certaine maitrise et même, d’une certaine technicité. Les accélérations de la batterie, le flow soutenu du chanteur, ont de quoi impressionner. Soudain, on bascule dans un morceau plus lent et c’est encore là que le groupe révèle toute son intensité : le synthé rivalise d’inventivité et se transmue en contrebasse. Quelques fois, il déraille comme la bande son d’un Mario Kart défaillant, c’est presque marrant : cet instant-là est surtout jouissif.

Bon ça y est, c’est mon moment préféré : DOROTHY GALE. Et je découvre aussi le lendemain matin que c’est celui des lauréat·es. Youpie. [Petit point d’introspection sociologique : c’est drôle comme je m’identifie au public fanclub du groupe. Indice : je bois mon cappuccino au lait d’avoine au café La Biche]. Dans la rotonde, Dorothy, sublimée par son pantalon vert et sa ceinture d’argent, fait planer une voix frôlant celle de Lana Del Rey. Autant dire que c’est beau. Quand elle descend dans la fosse pour chanter « I’ve Lost My Brain », le public perd le sien (moi, disons-le). Aux machines, c’est fin et bien senti. Deux musiciens soutiennent intelligemment les accents cyber punk de Dorothy. C’est vraiment cool. Argument : j’adore.

Ok je suis emballée, mais Floèmee place la barre haut aussi : leur performance leur vaut de remporter la deuxième place du podium. Le duo ambient est envoûtant, et pour cause : le mini oud, et la voix de la chanteuse nous envoient dans des sphères méditatives qui me ravissent. Je ferme les yeux et je pense à une crécelle sous un pont. Je sais pas pourquoi, mais je pense à ça. Et ça me plait.

Je rentre chez moi et pour sûr, il y a des groupes que je suivrai demain sur Spotify.

Pour la liste des prix remis c’est par-ici : l’occasion de tenir à l’oeil l’évolution de petites pépites en germe. Parait que Dorothy Gale est programmée à Dour.

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