La chorégraphe Michèle Noiret et le cinéaste Patric Jean proposent avec
La chorégraphe Michèle Noiret et le cinéaste Patric Jean proposent avec
Hors-Champun objet hybride particulièrement léché, qui emprunte au thriller sa tension et son étrangeté. Une manière un peu détournée de sentir ce que l’image et la technique font à la scène, et peut-être ce qu’elle nous font à nous.
Pour installer cette atmosphère d’ inquiétante étrangeté , Michèle Noiret peut s’appuyer sur l’intense bande-son de Todor Todoroff, digne des films de genre les plus dramatiques, et surtout sur le travail du cinéaste Patric Jean. Film et scène se répondent comme champ et contrechamp, cadre brouillé d’une errance hallucinée. Les éléments de décor mobile, chambres de studio de cinéma autour desquelles cameraman et danseurs construisent le drame, contribuent à distiller l’angoisse.
Cela fait dix ans que Michèle Noiret, artiste associée au Théâtre National de la Communauté française de Belgique à Bruxelles, membre de l’Académie royale de Belgique, travaille sur les rapports entre la scène et le film. Sa virtuosité formelle avérée est à l’œuvre dans Hors-Champ , d’ailleurs rejoué trois ans après sa création. L’image filmée y joue rien moins qu’un rôle prétexte, puisque Noiret parvient à déployer une forme d’écriture réellement hybride. Les langages se répondent et convergent au lieu de se dédoubler ou de se répéter.
Les codes du cinéma, omniprésents, sont utilisés comme des références, des marqueurs : Hors-Champ n’est pas un film transposé sur scène, ni de la danse filmée, et Noiret cherche plutôt à abandonner la narration, travaillant cette nouvelle forme comme un outil supplémentaire pour inquiéter le spectateur en brouillant la frontière entre réalité et fiction.
La perte de repères est bien réelle. C’est là le meilleur et le pire du spectacle : la difficulté de lisibilité, si elle est maîtrisée et recherchée, amène tout de même un certain manque de souffle. Mais c’est aussi là qu’on entrevoit l’originalité du travail d’écriture hybride de Noiret, qui s’affirme comme celle d’une scène se sachant contaminée par l’image filmée, d’une présence non dissociée de sa représentation médiatisée. C’est ambitieux et c’est nécessaire.