Juan Agustin David Llosa investit la Centrale
Quand les souvenirs prennent corps

Les lignes organiques et la douceur des formes créées par l'artiste argentin Juan Agustin David Llosa captivent le regard des passants de Sainte-Catherine. Son installation, My memories are stuck in the white part of your eyes, habite la vitrine du centre d'art contemporain la Centrale du 23 janvier au 30 mars 2025. Une expérience contemplative et onirique, qui se dévoile uniquement depuis la rue.
Né en 1998 à Mendoza, en Argentine, et établi à Bruxelles, Juan Agustin David Llosa vient d'obtenir son master en sculpture à l'Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles. Son parcours, enrichi d'un bachelier en illustration à Saint-Luc, se reflète dans son approche à la fois matérielle et narrative de l'espace.
En laissant mon regard se promener sur les différents éléments qui composent l'installation de David Llosa, je ne peux m'empêcher de penser à une scène onirique sortie d'une peinture de Chirico ou de Kay Sage. À travers le texte qui accompagne l'œuvre, l'artiste évoque l'errance d'une personne ayant perdu ses repères et dont les souvenirs restent coincés dans le blanc des yeux d'une autre. Il parvient à nous faire ressentir ce trouble à travers un assemblage de céramique, de plâtre et de métal, avec lequel il crée un monde où la matière cristallise le rêve.

Les éléments, qu'ils soient posés au sol, fixés aux murs ou suspendus, naviguent entre abstraction et figuration et l'impression de paysage est accentuée par leur disposition en différents plans. Une imposante structure métallique soutient une forme organique monumentale, tandis que d'autres pièces suggèrent des visages, de la végétation, des éléments architecturaux ou de l'eau pétrifiée. Cette danse entre réel et imaginaire insuffle à l'ensemble une dimension poétique inattendue dans l'espace urbain.
Llosa explore la mémoire et la perception de l'espace à travers un univers oscillant entre le palpable et l'évanescent. L'utilisation du plâtre et de la céramique renforce cette temporalité éphémère par leur fragilité. Son œuvre matérialise les souvenirs et les rêves en leur donnant corps. L’aspect brut de certaines pièces contraste avec la douceur et la fluidité de leurs formes, créant une tension entre maîtrise et spontanéité.

Toutefois, le dispositif d'exposition, limité à l'observation depuis l'extérieur, suscite un certain regret. Si cette distance imposée par la vitrine enrichit l'expérience d'une dimension conceptuelle, elle nous prive d'une immersion complète dans l'œuvre.
Avec My memories are stuck in the white part of your eyes, Juan Agustin David Llosa livre une installation intéressante, fusionnant surréalisme et exploration de la matière. Son œuvre nous interroge sur l'incarnation des souvenirs et le pouvoir de l'art à leur donner forme.
Bien que l'observation depuis la rue offre une expérience singulière, on rêve déjà d'une future exposition permettant une rencontre plus intime avec son univers. En attendant, cette parenthèse artistique dans l'agitation bruxelloise demeure un moment précieux pour les amateurs d'art contemporain.