Questions de survie dans une mer de possibles, la Bouée de Natacha Andriamirado (Quidam éditions, 2022) nous invite à décrocher d’une vie plongée dans l’absurde.
Certains, réservés mais audacieux, réussissent l’impossible, d’autres, figés par la peur, s’embourbent dans le fatalisme tandis que quelques-uns affrontent avec candeur un monde implacable, à même de les broyer.
La Bouée est une collection d’histoires de survie. Dans un quotidien morne, Nino, Marina, Lise, et tous ces autres dont le nom reste parfois inconnu, se trouvent à un moment charnière de leur vie. Le choix leur sera offert de fuir ou de rester figé dans ce moment qu’ils habitent. Bien qu’ils soient toujours entourés d’un autre, les personnages de la Bouée sont esseulés, livrés à eux-mêmes. On les sent au bord d’un gouffre qu’ils ne réalisent pas forcément. Pourtant, ils n’adoptent pas la posture du désespoir, au contraire, certains décident de « persévérer dans la joie », en dépit de ce qu’en pense leur entourage, alors que beaucoup se terrent dans l’habitude.
Connue pour avoir co-scénarisé le docu-fiction l’Odyssée de la vie (France 3), ou encore avoir participé à la création d’ouvrages pour la jeunesse ( Tranquille comme fossile , 2014 et Nageur comme fossile , 2017), l’autrice malgache offre un deuxième recueil de nouvelles dans lequel elle réalise un tour de force : celui de dépeindre le plus commun des mortels dans un processus de questionnement sans nous donner le résultat d’un changement. Chaque chapitre de la Bouée , conçu comme une nouvelle construite autour d’un personnage, nous mène donc à la rencontre d’une tranche de vie peu glorieuse : depuis le regard porté sur le corps à la remise en question d’un père par son fils, en passant par une nouvelle rencontre, ou le refus de rester invisible. Ces neuf histoires racontent une rupture, mais pas nécessairement une résolution. Les personnages, à l’issue de leur portrait, sont tantôt résignés, tantôt interrompus dans leur élan. Peu vont finalement au bout de cette force qui les appelle à changer de vie. Parce que finalement, le quotidien, aussi banal et rébarbatif soit-il, peut aussi se montrer confortable. Et c’est cet élément en particulier qui rend chacun de ces personnages humain. On ne se trouve pas dans une héroïsation du quotidien, mais plutôt dans une vie réaliste où l’inaction est finalement aussi célébrée.
J’ai toujours été lent. Toujours eu besoin de prendre mon temps. Les gens pressés me mettent mal à l’aise.
Pour décrire la situation absurde des personnages de son livre, Natacha Andriamirado utilise une langue sobre mais juste qui contraste avec la gravité des questionnements existentiels qui se dégagent de son écriture. Toute la poésie de la Bouée se trouve dans la force des interrogations suggérées par les remarques simples de personnages sans artifices.
Finalement, cette bouée représente une bouffée d’oxygène dans un quotidien suffocant. Elle est la matérialisation de la simple idée d’une possibilité de changement qui maintient la vie à flots, et la tête hors de l’eau.
Mais il se débattit et les supplia de le laisser nager avec sa bouée, soutenant qu’il lui restait encore de la force.