critique &
création culturelle

Laurent Jourquin,

Sébastien Delvaux l’accident et l’acte

Cette semaine, la Galerie Karoo accueillait le travail de Laurent Jourquin et Sébastien Delvaux dans le cadre de Folds and Scratches , une exposition chez O-M-S Pradhan (visible jusqu’au 5 mars). Comme il est de coutume, le vendredi, Karoo leur donne la parole.

Laurent Jourquin, pourriez-vous nous raconter votre parcours ?
J’ai commencé par l’Académie des Beaux-Arts, dont je suis sorti en 1999. Très vite j’ai laissé tombé la peinture pour me tourner vers la sculpture. J’ai travaillé le carton pendant très longtemps, pour arrêter il y a deux ans seulement. C’était de la sculpture monumentale et figurative, avec un ton un peu ironique, voire sarcastique. Et puis j’ai fini par faire le tour du processus : il n’y avait plus beaucoup d’innovation dans la technique que je maîtrisais. J’avais fini par devenir mon propre exécutant. Ajoutez à cela une réalité commerciale : en tant que jeune artiste, la sculpture se vend très, très difficilement. Et comme le carton résiste mal aux aléas météorologiques de notre pays, difficile de mettre ces œuvres à l’extérieur. Bref, je travaillais beaucoup et ne vendais jamais rien. L’un dans l’autre, il fallait passer à autre chose. Du coup, avant l’été 2014, je suis revenu à la peinture.

Et quelle forme a pris ce retour ?
J’utilise de l’acrylique, que je ponce. Je travaille par couches successives que je ponce pour rechercher, par soustraction, ce qu’il y a sous la peinture. Je vais jusqu’à dénuder le support en bois, qui finit par faire partie de la peinture elle-même.
En fait, je procède par accidents : en ponçant, je provoque le hasard. J’interviens jusqu’à atteindre un équilibre qui me convient. Cette notion d’équilibre est très personnelle, très subjective, et il est difficile de dire à quoi elle tient. J’estime à un moment que la peinture tient la route. Cet équilibre résulte d’une succession de hasards.

Quelle forme prendra la suite de votre travail ?
Je pense que je vais continuer ces expérimentations. J’aimerais juste essayer de les reproduire sur de plus grands formats, qui me donnent plus de satisfaction. Le prochain défi, c’est donc de parvenir à reproduire mon travail, et cet équilibre que je cherche, à une autre échelle.

Vous êtes exposée à côté de Sébastien Delvaux. Qu’aimez-vous dans son travail ?
J’aime son coté perfectionniste qui le pousse à peaufiner le moindre détail (ce dont je suis incapable), ses références plastiques au minimalisme et au conceptualisme, ainsi que l’impression d’absurdité, de vanité et donc de lucidité, sur un système comme sur la vie en général, qui s’en dégage…

Sébastien Delvaux, pouvez-vous aussi nous décrire votre parcours ?
J’ai suivi un parcours très classique, à l’Académie, dont je suis sortie à la fin des années 1990. Depuis, j’expose mon travail plusieurs fois par an, mais c’est la première fois que je collabore avec la galerie belgo-allemande O-M-S Pradhan.

Que représente ce travail exposé chez O-M-S Pradhan et visible dans la galerie de Karoo ?

Ce qui m’intéresse, c’est l’acte. J’essaie de voir quel est le nombre minimum d’actes à poser pour aboutir à une œuvre. J’utilise ici un fond noir, du feutre noir en fait, que je recouvre d’un plastique transparent très fin, comme ceux qu’on utilise pour protéger les sols lors de travaux de peinture. L’idée est de couvrir le tissu, pour le protéger, et de l’encadrer. Après, il y a un travail de composition très classique qui rapproche ce que je fais du dessin.

Pourquoi le feutre ?
Le feutre donne une belle profondeur, alors que le plastique, en fonction du nombre de couches, vient influencer notre perception de la couleur du feutre. Le cadre vient compresser l’ensemble, jusqu’à faire partie intégrante de l’œuvre. En fait, j’aimais le jeu de mot avec l’expression : une ambiance feutrée. Je pense que cette matière, ce tissu, permet vraiment d’entrer dans l’œuvre.

Mais je n’ai pas un matériel attitré et mon travail est en général très éclectique. L’idée prime, le processus est plus important que le résultat final.

Donc il y aura autre chose, d’autres techniques, à l’avenir. Des idées là-dessus ?
J’aimerais justement essayer ce processus sur de plus grands formats. Mais j’ai commencé aussi à travailler sur d’autres choses. Comme des caisses en carton que j’habille façon marbre, tout en laissant des bandes de tape apparentes sur les arêtes, pour laisser de la place à un aller-retour carton-marbre, avoir un jeu constant entre le faux et le vrai. J’explore aussi la manière d’exposer une œuvre. La muséographie sert souvent à sacraliser les œuvres, alors je travaille sur le socle, par exemple.

Enfin, même question qu’à Laurent : qu’est-ce qui vous plaît dans ses œuvres ?
On se connaît depuis tellement longtemps et nos ateliers sont voisins, mais notre façon de percevoir l’art est très différente. J’admire chez lui ce dont je ne suis pas capable chez moi. Il est plus procédurier et rigoureux que moi. Chaque jour est une étape de plus dans son travail. C’est comme s’il écrivait de grands textes, et moi des formules. Cela m’attire parce que je ne m’en sens pas capable. J’aimerais aussi souligner la grande cohérence de son travail.

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Laurent Jourquin, né en 1974, vit et travaille à Bruxelles.
www.instagram.com/laurentjourquin/

Sébastien Delvaux, né en 1972, vit et travaille à Bruxelles.
www.sebastiendelvaux.com/

Folds and Scratches
À voir du 23 janvier au 5 mars 2016.

Galerie O · M · S Pradhan (galerie Rivoli)
47 rue de Praetere
B-1050 Bruxelles
galerie(Remplacez ces parenthèses par le caractère @)omspradhan.com

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