Dans Le Rite , Amaury Bündgen convoque les différents protagonistes d'une guerre de territoire. Tout se passe autour d'un lac dans lequel se reflète la loi du plus fort.
Sans texte, au gré d'un trait précis en noir et blanc, les premières planches de Le Rite annoncent un récit qui mise beaucoup sur le dessin . Le lecteur y suit un personnage isolé qui évolue dans un vaste décor montagneux, paysage archaïque et inhospitalier, où l'on trouve des sentinelles postées dans les hauteurs et un lac mystérieux en contrebas. En marge de ce héros, on découvre d'une part ceux qui occupent ces montagnes et d'autre part un imposant centaure, flanqué d'un serviteur lui aussi mi-homme mi-bête.
Peu à peu, les trajectoires convergent et les représentants de trois communautés se trouvent réunis autour du Lac Miroir : les Kévarks, les Haïmars et les Scornes. Alors, la discussion peut s'engager.
Le héros est le dernier survivant de Kéva, petit royaume pacifique décimé par les Haïmars, avec l'aide des Scornes. Il est venu pour réclamer des comptes et assurer la vengeance de son peuple. Sans jamais quitter le lac, le récit progresse par flashbacks et les épisodes de la guerre passée se racontent.
Amaury Bündgen puise dans les codes de l'heroic fantasy, construisant un monde imaginaire dans un temps lointain et mythique, où les hommes et les créatures se côtoient et où des forces s'affrontent, avec violence et à renfort de magie. De prime abord, tout cela peut paraître un peu convenu. Cela dit, le récit prend peu à peu de l'épaisseur : les modes de vies des différents clans dépassent le folklorique ; des enjeux idéologiques et spirituels s'affirment et l'on se place au-delà d'une simple opposition entre le bien et le mal, fort heureusement.
Si le scénario n'est pas absolument original, il est rehaussé par une technique très maîtrisée. La narration visuelle est riche et dynamique et pour mieux se plonger dans l'univers de l'auteur, cela vaut la peine de s'attarder sur le dessin, d'apprécier les détails, les contrastes appuyés du noir et blanc, les variations d'échelles et de cadrages.
Dans les dernières planches, tandis que les rapports de forces sont dans une impasse, le dialogue touche à ses limites et c'est l'action qui prime. Alors, dans un final spectaculaire, le récit gagne en rythme et Amaury Bündgen parvient à déjouer les attentes du lecteur ‒ quitte à susciter l'envie de poursuivre la lecture voire le sentiment de rester un peu sur sa faim.