Midis de la poésie
Les Midis de la poésie, c’est exactement ce que Karoo a envie de partager avec vous : soit une rencontre bien concrète entre des lecteurs, des poètes, des traducteurs et tous ceux qui vivent et font vivre la poésie. Un rendez-vous auquel nous convie l’élégante plume de Victoire de Changy.
Mardi 20 janvier, heure de table. Des policiers armés jusqu’aux dents s’échangent des regards entendus de part et d’autre des trottoirs de la rue de la Régence. En cause, une missive anonyme, une menace comme il en pleut tant ces derniers temps, qui, climat anxiogène oblige, est prise très au sérieux. Douze heures trente, l’alerte est levée. Elle fait bien, puisqu’à cette heure très précise j’ai rendez-vous, et je ne suis pas la seule, avec les Midis de la poésie, aux musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles. Dix jours plus tôt, en discutant avec un certain rédacteur en chef de l’effroi des dernières actualités, l’un de nous deux, je ne sais plus lequel, s’était justement secoué et aussitôt exclamé : parlons plutôt de poésie. Alors oui, cent fois oui : parlons plutôt de poésie.
Pour rappel, le principe des Midis consiste à inviter chaque semaine un conférencier qui, cinquante minutes durant, présentera un auteur ou une thématique . Chaque séance est ponctuée par une ou plusieurs lectures de textes assurées par un jeune comédien.
Pour cette fois, c’était au tour de l’auteur-traducteur Bernard Hoepffner, accompagné du jeune comédien David Murgia, de venir présenter les Aventures d’Huckleberry Finn , roman picaresque de Mark Twain publié à Londres il y a plus d’un siècle. La dernière version française en date de cette suite des bien connues Aventures de Tom Sawyer compte parmi les quelques centaines de traductions de Bernard Hoepffner. Si d’autres avant lui s’étaient lancés dans des traductions (tronquées ou édulcorées) de l’ouvrage, Bernard Hoepffner a pris particulièrement soin de rendre justice et hommage à la démarche aventureuse de Mark Twain : celle de rédiger à la première personne avec la voix d’un illettré.
D’entrée, le traducteur nous présente l’ouvrage comme un « livre révolutionnaire », tant dans sa politique que dans son écriture. Il cite, pour ce faire, Georges Steiner : « Vous pouvez faire tout ce que voulez — une mauvaise traduction, une mauvaise adaptation — avec un chef-d’œuvre, cela reste un chef-d’œuvre. Il y a quelque chose, derrière la langue, qui touche au mythe. »