Ne plus se coltiner la réalité
Depuis toujours, mes goûts musicaux font le grand écart. J’écoute « de tout », mais ce que j’aime par-dessus ce tout, c’est le rock psyché et la musique électro. Deux préférences qui expliquent sans aucun doute pourquoi les albums de Jacco Gardner me plaisent autant.
C’est tout à fait par hasard que j’ai découvert Jacco Gardner il y a quelques mois, grâce à une playlist Youtube qui courait. Ce jeune prodige néerlandais, âgé de vingt-sept ans (espérons qu’il passe ce cap fatidique), compte déjà à son actif deux albums solos, Cabinet of Curiosities (2013), sorti sous le label Trouble in Mind, et Hypnophobia (2015), sorti dans le Benelux sous le label Excelsior Recording. Inspirée du rock psychédélique et de la pop baroque, sa musique avait tout pour me plaire.
Bon, il faut bien reconnaître que le psyché de Jacco Gardner, sage et léger, se rapproche davantage de Sergent Pepper’s Lonely Hearts Club Band (1967) que de Saucerful of Secrets (1968) ou de The Psychedelic Sounds of the 13 th Floor Elevators (1966) — la dernière piste de Cabinet of Curiosities , « The Ballad of Little Jane », sonne d’ailleurs familièrement aux oreilles habituées à écouter « Being for the Benefit of Mr Kite » des Beatles —, mais le résultat n’en est pas moins réussi.
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À mille lieues des covers ratées de monuments du rock, les albums de Jacco Gardner atteignent assez bien le but que l’artiste semble s’être fixé : son univers, aérien, doux et romantique, invite à la rêverie et rappelle, avec un brin de nostalgie, une époque où il semblait plus facile de s’émerveiller. Dans une interview qu’il accordait à Libération , l’artiste confiait :
Si quelqu’un marchait sur la Lune aujourd’hui, on n’en parlerait même pas vingt-quatre heures. Dans les années 1960, c’était l’événement le plus important pour les deux tiers de l’humanité. C’est sans doute pour ça que la musique de l’époque était si romantique. Et pour ça aussi qu’elle me fascine tant. La pop d’aujourd’hui est obligée de se coltiner la réalité. Je déteste ça.
À sa sortie, Hypnophobia a reçu un accueil plus réservé. La critique lui a reproché un certain manque de consistance, comme si, tout à coup, la recette magique ne l’était plus tant que ça. Pourtant, Hypnophobia s’inscrit assez fidèlement dans la continuité de Cabinet of Curiosities — « Find yourself » aurait tout à fait pu figurer sur le premier album —, même si Jacco Gardner semble désormais davantage explorer les mélodies des seventies . On pourrait reconnaître, par exemple, dans « Before the Dawn » les influences d’un morceau comme « Popcorn » de Gershon Kingsley (1969), repris et popularisé par Hot Butter en 1972. Or, ce morceau est considéré comme le premier vrai succès de la musique électronique, reliant donc Jacco Gardner à mon deuxième amour musical. CQFD.
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