Next to Normal est une exploration de ce que la normalité peut représenter dans une famille dont un des membres est touché par la maladie. Sur un ton parfois poignant, mais également léger et enjoué, le thème de la santé mentale est abordé au sein d’une famille qui alterne entre amour et déchirures.
Acclamé dès sa sortie, la comédie musicale de Tom Kitt (pour la musique) et Brian Yorkey (pour les paroles) a reçu le prestigieux prix Pulitzer en 2010 et trois Tony Awards en 2009, dont celui de meilleur musical de l’année. Adapté au Bozar en français (et surtitré en anglais et en néerlandais), accompagné par un orchestre live, Next to Normal fait ses premiers pas en français. Et ça se passe en Belgique.
Diana Goodman, mère de famille dans une banlieue américaine type, essaie de garder le cap et d’assumer son rôle de mère et d’épouse malgré le poids des années de lutte contre la maladie. Espoir perpétuel de la part de son mari, exaspération de la part de sa fille, les réactions sont très diverses au sein même de la famille, et ce dès le début du spectacle. Malheureusement, les efforts semblent retomber à chaque fois, car malgré les traitements et les différents spécialistes consultés, la maladie persiste et l’espoir de trouver un traitement approprié s’amenuise. Quelle que soit la combinaison de pilules de formes et de couleurs diverses. Le traitement est d’ailleurs moqué dans la chanson My Psychopharmacologist and I , et tourné en ironie par le tout aussi bien-nommé docteur Fine, lorsqu’il dit que la psychiatrie « n’est pas vraiment une science exacte, n’est-ce pas ? ».
Ce qui ressort, en dépit du traitement, c’est le désespoir de Diana, qui se sent plongée dans un brouillard constant et dit vouloir vivre à nouveau des « montagnes d’émotion », avec ses hauts et ses bas. Plus marquant encore, elle dit vouloir retrouver sa vie, disant ne plus se sentir elle-même, voire « vivre morte ». C’est ainsi qu’elle en vient à jeter ses pilules dans la toilette, rendant sa fosse septique « la plus heureuse du quartier ».
En contrepartie du désespoir de la mère, il y a l’insatisfaction de la fille, Nathalie, qui se sent reléguée au second plan. En cause ? L’attention portée depuis toujours à la fragilité de sa mère. Un sentiment complété par celui de n’être « jamais assez », surtout au vu de l’ombre de son frère décédé très jeune qui plane toujours, jusqu’à en devenir matérielle tout au long de la pièce (le personnage du frère tient un rôle récurrent, continuant de hanter Diana). Selon les propres mots de Nathalie : elle est
Invisible Girl
, là où son frère décédé est
Super Boy
. Ce fils, Gabe, n’a en effet jamais quitté Diana, et sa présence dans son esprit la réconforte tout autant qu’elle l’entraîne dans ses plus sombres moments. C’est d’ailleurs cette ombre qui susurre à l’oreille de Diana d’arrêter de prendre ses comprimés et de s’en débarrasser, lui assurant que personne n’en saura rien.
Le père, quant à lui, essaie de tenir bon face à ces événements et de rassembler la famille à coup d’optimisme forcé, y compris lorsqu’il chante de manière survoltée et ironique que «
all will be fine
». Au cours de la chanson, il insiste avec ardeur sur le mot «
nice
», malgré le cauchemar qu’il dit affronter et l’impression de se retrouver seul face aux événements.
Cependant, malgré les nombreuses difficultés relationnelles et médicales abordées, des touches de légèreté sont apportées par la musique, parfois ironiquement enjoué, ou par l’idylle amoureuse naissante de Nathalie.
Je reste cependant perplexe quant à la fin, optimiste et plutôt légère, alors que je ne trouve pas qu’il y ait eu un changement radical par rapport au problème initial. Je trouve que le semblant d’ouverture positive quant au futur des personnages est en réalité vague, car sous la surface heureuse, la rechute ne semble pas très éloignée.
J’ai apprécié l’exploration du thème de la santé mentale et de ses conséquences au sein d’un noyau familial. Quelques scènes m’ont particulièrement émue, et ont sonné très juste. Néanmoins, d’autres phrases, dans un style plus direct et «
feel good
» (du type «
in the end, we’ll all be reunited and happy
») m’ont moins touchée, mais elles reflètent le style très emphatique, à la Broadway, de la pièce. Concernant les paroles encore, je leur reprocherais globalement de manquer de métaphores et de figures de style. Cela étant dit, je suppose qu’aborder le sujet de façon plus « brute », sans circonvolutions imagées, permet de l’ancrer comme un sujet réel et sérieux, et de le rendre actuel.
Concernant l’adaptation en français de la comédie musicale, j’avais été dans un premier temps déçue et intriguée de ne pas la voir en version originale. Mais face aux paroles très justement adaptées et collant semblablement à la version anglaise, affichée sur un prompteur au-dessus de la scène, je me suis laissée emporter par l’adaptation et ai apprécié le travail de traduction.
Finalement, une mention particulière pour l’actrice incarnant Diana Goodman (Virginie Perrier). Malgré le sérieux des thèmes abordés par le spectacle et les moments parfois très durs que traverse son personnage, j’ai trouvé l’actrice réellement solaire tout au long de la pièce, captant constamment mon attention.
Comédie musicale hors des registres habituels de Broadway, Next to Normal s’immisce dans la vie d’une famille et bouleverse le spectateur avec une thématique peu abordée. Le tout sur fond de musique rock souvent enjouée. À découvrir !