Pourquoi aurions-nous
Un excellent Timon d’Athènes était de passage aux Tanneurs fin janvier.
(...) Ils seraient les créatures les plus inutiles du monde
et ressembleraient surtout à des instruments harmonieux mis sous clef
dans une armoire et qui gardent leurs sons pour eux-mêmes.
Timon, citoyen de la ville d’Athènes, est un personnage respecté, perpétuellement entouré, réputé pour son sens du recevoir et sa grande générosité. À chacune de ses invitations, c’est l’opulence, le léger et les soucis, quels qu’ils soient, résolus d’un micro-geste de l’index de Timon. Tous semblent y trouver joie et satisfaction réciproques. Tous, sauf le serviteur responsable des comptes de Timon, qui se ronge les sangs en voyant diminuer les avoirs, et un personnage, un peu extérieur, qui semble avoir la conscience plus accrue que le maître.
Je ne leur confierais pas un couteau, à table, chuchote ce dernier l’air goguenard, ça fait moins de vaisselle, et c’est plus sûr pour leur vie.
Ce qui devait arriver arriva : les poches sont vides et c’est au tour de Timon d’avoir besoin de ses amis. Tous, sans grande surprise, ont de bons prétextes pour lui tourner le dos. Écœuré et soudain misanthrope, vidé de toute sa confiance en l’autre, Timon se réfugie dans les bois et décide de se venger.
Le langage châtié de Shakespeare, agrémenté de l’accent flamand du collectif anversois De Roovers, laisse au spectateur un délicieux sentiment d’audace et d’étrangeté. L’œuvre est soudain sans époque, on l’imagine d’aujourd’hui et d’ici mais de Grèce antique aussi. La scénographie, signée Stef Stessel, sobre et habillée d’un immense lustre Art déco, le rythme léché d’une rengaine techno volume au max – qui trouve parfaitement sa place dans la modernité du tout – font que l’on ne décroche pas une seconde de cette fable sur le pouvoir en place, la position précaire que peut offrir l’argent et l’amitié telle qu’elle devrait être. Les comédiens de la compagnie De Roovers travaillent sans metteur en scène, dans une recherche collective et commune. Une harmonie qui se perçoit d’un bout à l’autre de la pièce.
Timon d’Athènes , c’était aux Tanneurs du 24 au 28 janvier. On espère et on conseille la reprise très prochainement.