critique &
création culturelle

Les perles de 2024 selon Élise

au-delà des apparences

« The Substance »

Alors que le mois de décembre touche à sa fin, je me suis plongée dans les archives de mes comptes Babelio, Spotify et Letterbox, pour tirer le bilan de tout ce que j’ai pu lire, écouter ou voir au cours de l’année écoulée. L’occasion de retracer ensemble ces 365 derniers jours, et pourquoi pas, vous donner envie de découvrir, vous aussi, quelques-unes de ces pépites.

Challengers : jeu, set et match pour Luca Guadagnino

Paru au mois de mai, Challengers dénote par l’originalité de son scénario : une histoire de triangle amoureux sur fond de match de tennis, combinée à un casting plein de promesses dominé par la talentueuse et très en vogue Zendaya. Pour autant, si c’est bien l’actrice et son personnage de Tashi Duncan qui attirent d’abord le regard, ses partenaires de jeux Josh O’Connor et Mike Faist ne sont pas en reste, loin de là. Alors qu’ils s’affrontent sur terre battue, leur jeu représente avec justesse tout l’enjeu de cette rencontre, avec une tension dramatique renforcée par les choix de mise en scène de Luca Guadagnino.

Connu surtout pour son adaptation de Call Me by Your Name, le réalisateur s’attaque ici à une thématique relativement similaire - le tennis n’étant, après tout, qu’une métaphore filée pour désigner le désir et la lutte intérieure de chacun de ses personnages – tout en proposant quelque chose de très différent. Car là où, dans Call Me by Your Name, le temps semblait s’étirer à l’infini, Challengers resserre son intrigue sur une seule après-midi entrecoupée de flashbacks, rythmée par un montage dynamique et une BO électro.

The Substance : le patriarcat prend cher, face à Coralie Fargeat

À mi-chemin entre film d’horreur et film d’auteur, The Substance est sans aucun doute LE film qui fera date cette année. Et pour cause : il s’agit là d’une proposition extrêmement innovante qui, à défaut de faire l’unanimité, ne laissera personne indifférent. Le pitch ? Une actrice sur le déclin accepte d’ingérer une mystérieuse substance pour accéder à une « meilleure version d’elle-même ». Ni une, ni deux, elle se retrouve alors avec un tout nouveau corps, juvénile à souhait. Une seule contrainte : elle ne peut l’occuper qu’une semaine sur deux, sans quoi « la matrice » qui l'héberge l’autre moitié du temps en paiera le prix. Résultat : un film de body horror ultra gore qui surprend autant qu’il dénonce l’âgisme, le patriarcat et le male gaze, avec un sans-gêne qui a quelque chose de jouissif.

Joue le jeu : le nouvel EP de Spider Zed

L’égo-trip lui seyait mal, alors il a fait tout l’inverse. Dans la continuité de ses précédents albums, ce dernier EP de Spider Zed donne à voir un jeune homme perdu face aux responsabilités de la vie adulte, assumant haut et fort ses failles et ses faiblesses. Une sincérité qui fait du bien, et surtout, qui aide à dédramatiser. Car au-delà de ses instrus et paroles mélancoliques, Joue le jeu propose aussi un ton léger, plein d’humour et d’autodérision, qui prête à sourire autant qu’il émeut. C’est donc avec grand plaisir que j'ai retrouvé l'artiste cette année avec six nouveaux titres, à écouter sans modération.

Célèbre : immersion dans un univers de strass et paillettes avec Maud Ventura

Trois ans après le succès de Mon Mari, Maud Ventura nous revient avec un second roman tout aussi percutant que le premier. L’histoire d’une jeune ambitieuse assoiffée de célébrité qui finit par atteindre le Graal : un monde de tapis rouges, de villas avec piscines et d’îles privées, qui ne suffit pourtant pas à la rendre heureuse.

Cela étant, l’autrice ne tombe pas dans le piège classique, en signant un énième livre plein de bons sentiments, sur l’argent et la renommée qui ne font pas tout. Au contraire : de la pointe de sa plume affutée, elle brosse le portrait acide d’une héroïne infréquentable, basculant peu à peu dans l’ignominie la plus totale. Une méchanceté sans complexe décrite avec humour et ironie, mais aussi et surtout un récit qui donne à réfléchir, sans négliger le plaisir de lire.

L’enfance du monde : une science-fiction résolument anticapitaliste de l’Argentin Michel Nieva

Voilà un roman qui sort de l’ordinaire, c’est le moins qu’on puisse dire ! Court, mais efficace, cet OLNI met le glauque au service d’une écriture engagée, pour nous plonger dans un monde cyberpunk ravagé par le réchauffement climatique et l’ultralibéralisme. Et au milieu de cette aberration capitaliste, nourrie par une logique absurde consistant à tirer profit d’absolument tout et n’importe quoi, un jeune moustique enlisé dans la misère, dont la colère pourrait bien se retourner contre l’humanité...

Je n’en dis pas plus, le roman mérite qu’on s’y laisse surprendre, mais attention : certaines scènes peuvent heurter certaines sensibilités. Entre violence à outrance, effusions de sang et langage cru, le lecteur n’est pas ménagé, néanmoins il convient de souligner que rien de tout cela n’est gratuit, dès lors qu’il s’agit de dénoncer les dérives d’un monde qui ressemblait au nôtre, il y a de cela une cinquantaine d’années… À méditer.

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