Les perles de 2024 selon François
théatralités
François Wouters se concentre sur les mises en scène envoûtantes et engagées de l'année pour ses coups de cœur de 2024 : deux pièces de théâtres et un film sont au rendez-vous, entre messages actuels et souci des détails.
QUi som? de la compagnie Baro d’Evel [Halles de schaerbeek]
Je connais la compagnie Baro d’Evel depuis quelques spectacles et cette fois-ci encore, ils m’ont touché et impressionné par leur justesse et leur inventivité. C’était à la fois du théâtre physique, de la danse, du cirque, de la céramique, une fanfare, du clown, du recyclage à l'œuvre et… du théâtre. Ces artistes bousculent les frontières du genre en s’impliquant totalement dans la création. Et quelle histoire !
La photo de famille de départ toute parfaite vire au cauchemar avec la boue qui coule entre les hauts talons en transformant la scène en patinoire. Puis les comédien·nes plongent leur tête dans des vases frais d’argile qui deviennent masques et titubent esseulé·es. Une sorte d’immense forme occupe la scène des Halles de Schaerbeek et y respire pour engloutir et cracher les comédien·nes. Tout y est stupéfiant, magnifique et bouleversant. Tant d’images marquantes qui tentent de répondre à la fondamentale question : qui som?
La sœur de Jésus-Christ mis en scène par Georges Lini [théâtre de Poche]
Une bien belle rencontre : d’abord avec les rédacteur·rices Karoo pour cette Sortie Karoo1 puis avec le texte d’Oscar De Summa, incarné viscéralement par Félix Vannoorenberghe et mis en scène par Georges Lini. Il fallait toute l’intensité de ce jeune comédien pour répondre à la fois au lyrisme de cette écriture rythmique ciselée pour la scène et aux thématiques de violence, justice et tabou que présente la pièce. Accompagné de la musicienne Florence Sauveur, ce seul en scène convoque une vaste galerie de personnages d’un village italien et crée une tension intéressante par sa scéno et son texte entre l'individuel et le collectif. Décidément, les auteurs dramatiques italiens comme De Summa et Celestini me passionnent.
Emilia Pérez de Jacques Audiard
Le drame musical de Jacques Audiard emporte le spectateur avec frénésie dans la tourmente des narcos, de la transition de genre, et du deuil face aux disparus. Malgré mes questionnements liés à la crédibilité du scénario, j’ai trouvé ce film vraiment touchant et captivant. Le mélange danse-chant et cinéma est très harmonieux, pas du tout artificiel comme je peux le reprocher aux comédies musicales. C’est théâtral, baroque, bien incarné et cette question que soulève le film sur la rédemption nous poursuit longtemps après l’avoir vu.