critique &
création culturelle

À la recherche du Nouveau Monde de Terrence Malick

Scène culte (35)

Parfaite illustration de la vision artistique, de la singularité et de la sensibilité de Terrence Malick, la séquence finale du Nouveau Monde bouleverse, tant par sa beauté esthétique et formelle que par son accomplissement narratif.

Enlaçant son fils dans ses bras, sous l’œil attentif et bienveillant de John Rolfe (Christian Bale), Rebecca (Q’orianka Kilcher) laisse partir son enfant pour entreprendre une partie de cache-cache. Perdue dans les dédales de buissons, elle ne trouvera pas son fils mais bien la clé d’une existence dédiée à la célébration du monde et de l’autre.

Terrence Malick semble d’abord lui-même chercher après ses images, comme bercé par les fragments de mélodies du prélude de l’ Or du Rhin , retentissants au loin. Amples et lents, les mouvements de caméra sont magnifiés par le talent du directeur photo Emmanuel Lubezki et son usage si reconnaissable du steadicam. Guidées par le bruissement du vent sur les feuilles, les déambulations de la caméra annoncent un changement certain.

Le montage s’accélère, la caméra plane parmi les décors, la mélodie devient plus présente et pressante, confrontant le spectateur au décès soudain de la protagoniste principale. Plutôt que de proposer une vision pessimiste de la mort et des conséquences qu’elle induit (la tristesse, le deuil, l’égarement), Malick adopte une posture résolument tournée vers une forme d’espoir originel.

Mother, now I know where you live.

Si les images font sens, c’est grâce à l’utilisation de la voix off. Un concept chéri par Malick, qui lui permet d’inviter aléatoirement le spectateur au cœur de son récit, autant par l’intrusion que par la suggestion. Effacées par la voix off de Bale énonçant la lettre écrite par John Rolfe, les dernières paroles de Rebecca paraîtraient presque anodines. Pourtant, cette phrase résume en elle-même les intentions de Malick.

La mort du personnage se voit mise en parallèle avec une exaltation manifeste des richesses du monde. Un motif permettant d’approcher une forme de sagesse tantôt égarée, tantôt en évolution. Le cinéaste va jusqu’à symboliser cette posture, en montrant que la mort de son personnage va ouvrir les portes d’une liberté devenue utopique. Le mystérieux indien, posté au chevet de la défunte, représenterait alors l’âme de Rebecca. Libérée de ses liens, elle part retrouver une nature tant idéalisée.

Les grandes caravelles peuvent quitter la terre ferme, laissant se déchaîner les emballements symphoniques de Wagner, rythmant avec énergie des plans symboliques de nature. Malick  clôt le film avec une icône majeure de sa filmographie, l’arbre capté en contre-plongée, pointant vers les sommets. Eminent motif du temps qui passe et de l’héritage du passé, l’ arbre de vie permet au cinéaste d’entrevoir un éternel M onde nouveau .

 

Le Nouveau Monde

Réalisé par Terrence Malick
USA, 2006 
136 minutes

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