Leslie Mannes et Louise Baduel sont à l’initiative de l’excellent System Failure , qui a fait sensation à Avignon cet été. Ces deux artistes singulières présentent ce spectacle au rendez-vous des arts de la scène du festival ProPulse, qui débutera le 2 février à Bruxelles. Elles reviennent pour nous sur les moyens de diffusion d’une forme artistique
ProPulse est une vitrine promotionnelle pluridisciplinaire qui présente chaque année des artistes majoritairement issus de la Fédération Wallonie-Bruxelles aux professionnels de la culture (programmateurs, agents, managers, etc.) belges et étrangers. En participant à ce festival, l’équipe de System Failure espère toucher des nouveaux programmateurs, belges en particulier, qui n’auraient pas eu l’occasion de se déplacer à Avignon cet été pour découvrir ce spectacle étonnant : une partition théâtrale et sonore millimétrée plonge le spectateur dans une esthétique de jeux vidéo et de science-fiction et interroge l’aspect de plus en plus automatisé de notre société.
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Beaucoup d’artistes qui mélangent les formes artistiques sont souvent étiquetés inclassables. Ils ont parfois des difficultés à trouver un réseau dans lequel s’inscrire. Avez-vous rencontré ce problème avec
System Failure
?
Louise Baduel.
– On nous a beaucoup dit que nous étions un ovni artistique. La forme finale de notre spectacle ressemble à une pièce de théâtre totalement décalée où le mouvement, le son et la lumière ont une place très importante. Nous avons toutes les deux été formées à l’école de danse P.A.R.T.S. et nous avons poursuivi notre formation avec un master en arts du spectacle à l’ULB. Ceci explique peut-être cela.
Leslie Mannes. – En résumé, on nous dit régulièrement qu’on est un peu trop théâtre dans le réseau danse et un peu trop danse dans le réseau théâtre. Je schématise car la réponse est souvent plus nuancée mais c’est vrai qu’il est difficile de d’inscrire dans un réseau ou un autre ou les deux. Cependant, ni l’un ni l’autre ne sont réellement fermés. On a, par exemple, discuté avec une directrice d’un Centre de développement chorégraphique (CDC) qui trouvait que System Failure s’inscrivait clairement dans le paysage chorégraphique et elle soulignait d’ailleurs l’originalité de la démarche. De notre côté, on a toujours eu l’intention de faire quelque chose de chorégraphique. Même si nous sommes très inspirées par le cinéma et que, paradoxalement, c’est le cinéma qui nous a mises sur la voie d’une forme théâtrale. Le texte est venu comme une nécessité pour appuyer notre propos. Une de nos lignes artistique est de créer une forme totale où le son a autant de place que la lumière, le travail du corps, etc. Cela peut déstabiliser mais ce qui est intéressant avec cette hybridité, c’est que les gens qui craignent la danse contemporaine ont plus de chance d’y accéder avec ce genre de spectacle. System Failure n’est pas dénué d’humour. Nous nous en sommes rendu compte dès la première représentation aux Brigittines en 2013, par les réactions du public.
Comment avez-vous vécu l’aventure d’Avignon au théâtre des Doms ?
Louise Baduel.
– C’était incroyable. Nous avons eu la sensation de faire vraiment notre travail, parce que tous les soirs, nous étions sur scène pour proposer notre spectacle et tous les matins, nous avions une réunion d’équipe pour faire le point sur les programmateurs qui étaient venus la veille et ceux qu’il fallait encore contacter. Ensuite, nous allions « tracter » dans les rues d’Avignon, où nous avions aussi la surprise de rencontrer et de discuter avec des gens qui avaient vu le spectacle. Le Festival d’Avignon permet ce retour immédiat du public. Ici à Bruxelles, par exemple, on a parfois l’impression que l’art vivant est en péril à cause du taux de fréquentation trop bas des salles de spectacle. Avignon, c’est un vrai microcosme qui vit au rythme du théâtre pendant un mois. Lors de la première série de représentations bruxelloises aux Brigittines, nous avions rencontré deux programmateurs en cinq représentations, tandis qu’à Avignon, ce sont deux cent cinquante programmateurs qui sont venus au fil des dix-neuf représentations. Le calcul est vite fait !
Vous participerez prochainement au festival Propulse. Pourquoi vous produire encore dans ce genre de festival ?
Leslie Mannes.
– Nous sommes très heureuses de pouvoir participer à de grands événements de diffusion comme le festival ProPulse qui réunit en quelques jours beaucoup de programmateurs du spectacle vivant (danse, théâtre, cirque, performance…). Avignon est évidemment incontournable et nous avons eu beaucoup de chance d’être reçues au Théâtre des Doms mais beaucoup de programmateurs belges n’ont pas encore eu l’occasion de voir le spectacle. ProPulse est donc un rendez-vous à ne pas manquer.
Louise Baduel. – Dernièrement, nous avons participé à une réunion avec des directeurs de centres culturels. Nous avons abordé la question de la pénurie des spectacles de danse dans les programmations en décentralisation. Il semblerait que les structures trouvent la danse contemporaine trop hermétique pour leur public.
System Failure
a la volonté d’être tout public, de croiser les genres et de ce fait peut-être qu’il peut plus facilement toucher un public varié.
Diriez-vous que votre génération d’artistes crée des nouveaux langages artistiques qui mélangent beaucoup plus les formes et les genres ? Pensez-vous que le public est prêt pour ces formes décalées ?
Leslie Mannes.
– Je pense que le public est prêt à voir des formes novatrices. C’est le milieu institutionnel qui bouge plus lentement.
Plusieurs autres dates sont prévues pour le spectacle, mais vous indiquez qu’elles sont en option. Pourquoi ?
Louise Baduel.
– Nous avons décidé de ne pas le cacher. C’est vrai que la plupart des lieux qui désirent accueillir un spectacle mettent des options car ils ne peuvent pas signer directement. C’est la dure réalité de notre époque et c’est d’ailleurs assez violent. Même des compagnies de renommée internationale qui existent depuis longtemps ont aussi des options dans leur calendrier. Parfois, il faut attendre jusqu’à trois mois avant la date de représentation pour avoir une confirmation définitive. Et cette situation n’est due qu’au manque de budget dans les structures actuelles.
Avez-vous d’autres projets en cours ?
Louise et Leslie.
– La semaine prochaine, on remettra un dossier de demande de subvention pour notre prochain spectacle qui s’intitulera
Human Decision.
Ce projet est à nouveau coproduit par les Brigittines. Pour celui-ci, nous voulons mettre un peu plus l’accent sur le mouvement sans perdre le côté hybride qui nous plaît. Nous sommes chorégraphes et voulons le rester. Disons qu’on partira moins vers des références cinématographiques cette fois-ci. Par contre, on gardera la même équipe, Sébastien Fayard et Sébastien Jacobs (interprètes), Vincent Lemaître (créateur lumière) et Lieven Dousselaere (musique originale et composition sonore) car on ne change pas une équipe qui gagne
(rires)
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