Ted Lasso
des enjeux qui dépassent le terrain
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Ted Lasso, réalisée par Bill Lawrence et Jason Sudeikis, est une série entre humour et humanité. Le quotidien d’une équipe de football nous plonge dans des enjeux politiques. Une vraie bouffée de bienveillance !
Ted Lasso est l’histoire d’un coach de football américain qui arrive du fin fond du Kansas pour entraîner une équipe de football anglais, sans rien connaître à ce sport. La série est découpée en trois saisons d’une dizaine d’épisodes d’une trentaine de minutes à chaque fois. La première saison se concentre sur l’arrivée de Ted et son intégration dans le club, la deuxième sur la montée du club en Premier League avec l’arrivée d’une psychologue comme personnage supplémentaire et indispensable. Enfin, la dernière saison se montre chargée en complication au sein de l’équipe, ils tenteront tout de même de remporter la Premier League alors que tout le monde les imagine déjà derniers.
Dès le début, on découvre en Ted Lasso bien plus qu’une série humoristique. En effet, bien que l’humour y soit important, c’est l’évolution des personnages et des relations humaines qui se montrent tout à fait intéressantes dans ces trois saisons. Les mots clés de cette série sont la bienveillance, l’intelligence et la positivité, le football servant de décor à des personnages et à des enjeux politiques. C’est pour cela que même en étant ni adepte de sport en général, ni de football en particulier, cette série est un bijou d’humanité à regarder.
La première saison se sert des stéréotypes des footballeurs : un Roy qui ne s’exprime qu’en hurlant « Fuck off » et en grognant, un joueur imbu de lui-même qui se prend pour le roi du monde, une petite amie de footballeur d’apparence potiche. La suite des saisons fait évoluer les personnages, redéfinit avec intelligence les clichés pour les rendre bien plus profonds. On y retrouve alors les valeurs propres à la série : le soutien et le dépassement de soi. Chaque personnage évolue à la fois individuellement et collectivement, ce qui permet à la série d’évoquer des thèmes comme le rapport au collectif, à la célébrité ou encore la santé mentale. Les personnages qui étaient très individualistes malgré le jeu en équipe deviennent proches, et observer leur relation s’intensifier donne envie de continuer à les voir grandir.
Le football devient alors bien plus qu’un divertissement : la série soulève des questions politiques qui sont souvent, dans le monde du sport, comme la poussière qu’on cache sous le tapis. On peut citer l’exemple de Rebecca, la propriétaire du club qui se bat contre le patriarcat pour s’imposer en tant que femme dans un milieu majoritairement masculin. La scène de la saison 3 dans laquelle Rebecca se retrouve seule au milieu d’une table d’investisseurs sportifs uniquement masculins montre sa force de girl boss et son combat quotidien. Elle est la seule à se lever et à défendre les valeurs du football. Un autre exemple très percutant est l’évolution de Nate, le responsable du matériel qui devient d’abord entraîneur au côté de Ted puis une grande star du football surnommé « l’enfant prodigieux ». On voit son personnage devenir obsédé par son image et les commentaires qui le visent sur les réseaux sociaux. Petit à petit, Nate se brûle les ailes et, bouclant la boucle, revient travailler auprès de Ted. Ce personnage connaît une évolution marquée par la difficulté de s’adapter à la célébrité sans devenir vaniteux, mais également par la seconde chance que lui accorde l’équipe. Enfin le dernier exemple, le plus évident, est le personnage de Sam qui se bat contre un sponsor qui détruit l’environnement de son pays d’origine, le Nigéria. Par la suite, il montrera à plusieurs reprises sa grande humanité et son investissement dans la politique à travers des thèmes comme l’immigration et la liberté d’expression. Le football prend donc une tournure bien plus politique puisque chaque personnage est engagé et possède son propre combat, parfois à une échelle individuelle comme Nate, parfois avec des engagements plus collectifs.
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Le personnage de Ted Lasso, joué par Jason Sudeikis nous est d’abord présenté comme un « couillon », qui est d’ailleurs le surnom que lui donnent les fans de Richmond. C’est un personnage excentrique et extrêmement positif avec un débit de parole impressionnant qui a tendance à nous perdre dans des histoires rocambolesques. Malgré cela, on découvre quelqu’un de profond, inlassablement optimiste, même face à des Européens grincheux, mais également en proie à l’anxiété d’être séparé de son fils et d’être rattrapé par son passé. Son rôle dans l’équipe permet ainsi à chacun de grandir. On découvre alors « la méthode Lasso », une nouvelle pédagogie menée par Ted Lasso qui ne met pas en avant la victoire mais plutôt le dépassement de soi, la liberté d’expression, l’entraide et l’écoute. La méthode Lasso dépasse les lignes du terrain de foot :
« Pour moi, le succès n’est pas qu’une question de victoires ou de défaites. C’est plutôt le nombre de joueurs qui seront capables d’atteindre la meilleure version d’eux-mêmes sur et en dehors du terrain. »
L’aspect comique de la série est porté en majeure partie par le jeu d’acteur de Jason Sudeikis. Très peu connu pour ses talents comiques, il nous surprend avec un personnage à l’élocution très typique du fin fond du Kansas et des blagues typiquement américaines. On retrouve un bon rythme entre les blagues et les enjeux politiques. Bien que très axé sur les réponses comiques, Ted Lasso sait devenir sérieux lorsque les préoccupations sont importantes.
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Finalement, bien que les réalisateurs soient tous américains, ils réussissent à mélanger à la fois l’humour et la culture anglaise et américaine. En effet, on retrouve des marqueurs typiques d’une série made in USA, par exemple la colorimétrie très saturée. L’esthétique générale de la série est celle d’une production américaine plutôt que britannique. Les producteurs réussissent toutefois à se servir de ce décalage et à en faire une force, il devient un des aspects les plus humoristiques de Ted Lasso : l’Américain, aux blagues crues, est face à des Européens dans la retenue et l’incompréhension. Cependant, ils ne se privent pas de la culture britannique pour autant : le thé est sacré, tout comme le fish and chips que l’on voit à de nombreuses reprises. La production américaine se mélange alors subtilement à la culture anglaise plus raffinée.
Ted Lasso nous offre une bouffée d’air pur dans un monde où les séries profondes et dramatiques sont à la mode. On retrouve un bon rythme entre les blagues et les enjeux politiques plus sérieux qui nous amène à la fois à rire et pleurer au cours d’un même épisode.