The Bony King of Nowhere à l’AB
Ce 2 février, The Bony King of Nowhere a rejoué l'entièreté de son premier album Alas My Love , à l’occasion de sa sortie en vinyle. Ou comment l’Ancienne Belgique s’est transformé en un cocon enchanteur et paisible, tissé de pureté et d’élégance.
Malgré les reports et annulations qui s’accumulent en chaîne en ce moment et viennent tamiser les palpitants d’espoir qui résistent encore au sein de la culture, quelques événements dispersés viennent heureusement en contrer un peu l’effet.
Aussi, ce n’est plus un secret pour personne : la musique belge était particulièrement à l’honneur dans la semaine du 31 janvier au 4 février , avec notamment une initiative du Botanique de mettre en avant quelques nouvelles recrues, davantage orientées pop, rock et rap. Du côté de l’AB, c’est un artiste confirmé portant déjà en bandoulière une bonne dizaine d’années musicales fructueuses qui a fait l’honneur d’inaugurer cette nouvelle saison. L’auteur-compositeur gantois se fait pourtant généralement assez discret dans le paysage musical et médiatique belge, en tout cas du côté francophone.
The Bony King of Nowhere est le nom de scène de Bram Vanparys. Sa carrière débute en 2009 lorsqu’il a 22 ans, avec la sortie de son premier album, qui reçoit un accueil assez chaleureux : Alas My Love . Cet album, collection de chansons nées dans une chambre et désormais vestiges à la beauté figée dans le temps, dresse le portrait d’un jeune musicien qui se cherche, entre vertiges existentialistes, odes et questionnements en tous genres, le long d’arrangements folk rock et pastoraux. Plusieurs autres albums suivront, dont le très également acclamé Eleonore .
Alas My Love , lui, a profité dernièrement d’une réédition sur vinyle contenant justement en bonus une série de démos enregistrées à la maison lors des années précédant sa sortie, par un Bram ciselant ses premières armes et accords. L’album n’était en effet alors sorti physiquement qu’en CD. Pour l’occasion, l’artiste s’est engagé dans une résidence avec plusieurs dates à la clé où il rejoue l'entièreté de l'œuvre, au moins, s’entourant du batteur Jan Dhaene et du musicien touche-à-tout Jasper Houtekiet. Et en observant la salle de l’AB Theatre quasiment pleine ce soir-là, un public assis mais pour lequel les mesures sanitaires sont loin de venir gâcher l’enthousiasme d’être présent, on peut penser qu’il ne s’est pas trompé sur l’utilité de l’entreprise (un public épris qui le rappellera à plusieurs reprises lors de la fin du concert).
En première partie était invité le duo féminin originaire de Louvain, Kids With Buns , proposant des balades habitées aux accents plutôt indie pop midwest , et qui nous installent très vite dans une sorte de bulle intimiste. La voix rocailleuse de la chanteuse s’accorde subtilement sur les riffs de son acolyte guitariste-bassiste, qui scotche par sa prestance, la passion et le dynamisme qui font vibrer son jeu. Toutes les deux ne cachent pas leur joie, à plusieurs reprises, de se trouver à l’AB ce soir-là, et nous partagent anecdotes et émotions dans un enthousiasme communicatif, bien que la barrière de la langue m’empêche malheureusement de tout comprendre. Les quelques mots en anglais ci et là aident cependant un peu, comme ce sera le cas avec The Bony King. Elles planent toujours un peu d'être présentes ce soir-là, invitées par celui qui produit d’ailleurs leur premier album et les rejoindra lors d’un dernier morceau, pour faire ensuite la transition vers son set.
Nous sommes ainsi plongés, ou replongés, dans l’album dès le premier titre, « The Sunset » (également introduction de l’album), dans une formule trio et des arrangements subtils et éthérés, ses deux camarades musiciens alternant entre percussions, basses et claviers. Le chanteur jongle avec brio entre ses instruments de prédilection, la guitare et le piano ‒ ainsi que leurs nombreuses pédales ‒, malgré un souci technique imprévu mais géré tout en sang froid et professionnalisme par les musiciens, qui retombent assez rapidement sur leurs pattes.
Dans les harmonies et la voix de Bram Vanparys s’esquissent les fantômes d’un Jeff Buckley, d’un Leonard Cohen ou encore d’un Nick Drake, lui aussi bony king of nowhere d’un autre temps et d’un autre lieu. Et l’on se dit que c’est bon d’avoir ce genre de porte-étendards d’une flamme qui se transmet de génération en génération, et l’on se sent presque privilégié de se trouver dans cette salle et d’assister à ce genre de moment, que la situation menace de refaire basculer comme un souvenir doux-amer à tout instant. On le ressent dans le public qui en redemande inlassablement tandis que le concert s’achève. L’album, lui, heureusement, peut se découvrir ou se redécouvrir à l’infini.