De l’amour qui brûle, à la vengeance qui déchire jusqu’à la désolation, The Last of Us fait partie des jeux qui vous questionnent, vous prennent aux tripes. Il se savoure seul, offrant la meilleure immersion possible. Un jeu qu’on veut presque ne jamais terminer.
Il en faut très peu pour être la proie des autres.
On tire à vue, déshumanisant celui ou celle qui se trouve derrière notre écran sans se poser de questions. Pourtant on a tous grandi avec des figures héroïques, dévouées pour les autres. Sans réaliser une seconde que dans le film d’un autre, nous pourrions être le méchant et pas forcément l’antagoniste charismatique. Mais on continue d’affirmer plutôt que de questionner. On affirme que c’était nécessaire. Que c’est eux ou nous. Qu’il faut détruire pour ne pas être détruit. Et on reproduit inlassablement ce schéma. Devenant l'extrême de nos propres valeurs, de nos propres modèles. Par exemple on dénonce les harceleurs par le harcèlement et on rend justice par plus d’injustices. Le sang par le sang.
Finalement nous ne sommes pas si différents des ennemis que l’on rencontre dans The Last of Us II . Au moindre bruit, nous sommes la cible des balles sans sommation. Sauf qu’eux tirent pour survivre et nous pour exister.
The Last of Us : Part II est un jeu développé par le studio Naughty Dog et sorti le 19 juin 2020 sur Playstation 4. Il fait suite au jeu The Last of Us développé par les mêmes éditeurs. Cinq années se sont écoulées après les événements du précédent opus. Ellie et Joel se sont installés dans une ville fortifiée chez Tommy, le frère de Joel. Nos deux héros essayent de mener une vie normale dans un monde où règne une brutalité constante rythmée par la survie.
Cependant, The Last of Us II , a cette particularité unique de nous offrir une métaphore de l’égoïsme humain. Engendré tantôt par la peur, tantôt par l’amour des siens. Nos « ennemis » ne sont plus seulement des figurants mais des personnages à part entière. Derrière cette pile de victimes que l’on abat pour avancer, il y a des histoires. Des familles, des proches et des liens qui se brisent. On le ressent par le simple fait que chaque personnage porte un nom. Que l’on découvre dans un bout de papier ou lorsqu’il est hurlé par un ennemi voyant son camarade se faire descendre par nous-même. On en ressort questionné sur notre moralité. Jusqu’à quoi serions-nous capable pour obtenir gain de cause ?
Le jeu nous fait ressentir ces émotions en nous impliquant. Nous ne sommes plus simplement le joueur aux manettes mais nous prenons part d’une certaine façon aux décisions sans pour autant avoir le choix. Parce que si l’on assiste impuissant à la déferlante de haine, nous allons tout de même jusqu’au bout, parfois à contre cœur. On prend part à différents points de vue tout en buvant un scénario imposé. Rendant ainsi l’expérience à la fois riche et cruelle. Riche de perspectives, effaçant tout manichéisme de son univers. Et cruelle parce qu’on nous force à ne pas faire le bon choix, à aller dans le côté le plus sombre de l’amour.
Contrairement à ce qu’on dit, tout comme le précédent volet, l’amour est toujours le squelette du scénario de The Last of Us II . Cette fois-ci ce n’est pas un amour qui réchauffe mais qui brûle, c’est celui qui consume jusqu’à changer, de manière irréversible l’individu. Celui qui laisse des plaies béantes, celui qui déchire. The Last of Us II est surtout une histoire d’obsession, de désir de vengeance contre une autre vengeance. Un cercle interminable où chaque violence, chaque action est marquée par l’amour que l’on porte pour ses proches. C’est pour eux que l’on fait ça, sans qu’ils nous l’aient réclamé. Et souvent, ce sont les premières victimes de notre amour. À tel point qu’on en oublierait presque le contexte post-apocalyptique/zombie du jeu. Les humains sont ici bien plus effrayants que les infectés (zombies), parce qu’eux s’adaptent et travaillent en groupe contre d’autres groupes. Un classique du genre post-apocalyptique, mais tellement bien fait.
Cette perspective qui considère l’autre comme un ennemi à abattre prend tout son sens avec la deuxième partie du jeu où l’on incarne le clan des personnages que l’on a trucidé auparavant via un flashback . Avec ce retour en arrière. On voit que derrière ces personnages non-jouables que l’on a exécuté froidement avec une animation aussi réaliste que effrayante, il y avait bien plus qu’un cadavre virtuel. On voit ces soldats sous un autre jour, avec leur famille. Certains se sont retrouvés sur notre chemin pour une noble cause et partent sans avoir donné un sens à leur vie.
Dur et réaliste, le jeu ne nous fait pas rêver. Le scénario ne nous tient pas par la main mais nous tire le bras à contre-cœur. Il est là pour raconter une histoire sans nous caresser dans le sens du poil. Celui d’une vengeance qui n’en finit jamais. Aussi insatiable que la guerre, plus on avance et plus on implique d’autres personnages qui nourrissent à leur tour ce cercle de haine. La vengeance nous pousse jusqu’à nos derniers retranchements et prend tout sur son passage pour ne plus rien nous laisser.
Et il suffit d’une seule fraction, douloureuse et nécessaire, pour trouver la force de lâcher prise... Avant que dans notre élan vengeur, on bascule définitivement.
Au terme du jeu, on emboite le deuil et on panse ses plaies seuls. Parce qu’on s’est jeté la tête la première dans nos propres peurs et tout est à reconstruire. Finalement, c’est aussi le thème de l’héritage qui fait écho vers la toute fin du jeu. En continuant de suivre la chaîne de la haine, on ne laisse que désespoir à la génération suivante. Les enfants font partie de ces victimes collatérales. C’est à ce moment-là, pendant une fraction de seconde, qu’il faut faire le bon choix, pour qu’ils ne deviennent pas de nouveaux bourreaux. On finit par briser le cercle de haine, on accepte avec humilité et amertume que nous n’avons que très peu d’emprise sur ce qui nous entoure. Que tout ce que nous pouvons faire, c’est de continuer à vivre avec ce qu’il nous reste et chérir nos derniers souvenirs. Un chemin qui nous mènera peut-être vers la rédemption pour le troisième volet ? Trouver une certaine force qui déchire et cicatrise à la fois... La force du pardon ?