The Quiet Ones, ou
Dernier film produit par la Hammer, et inspiré par des événements réels. The Quiet Ones joue avec nos peurs et avec le médium cinématographique. Événements réels, dit-on ? Le réalisateur John Pogue s’est inspiré d’une vague d’expériences sur le surnaturel, en vogue dans les années 1970. La plus célèbre d’entre elles : The Philip Experiment ; expérience faite par des chercheurs canadiens en 1972 et enregistrée en 1974.
Pour commencer, un petit mot sur la Hammer. Boîte de production née au Royaume-Uni en 1934, la Hammer Film Production Limited se consacre dès ses débuts à des films de « série B » (films à petit budget) orientés vers la comédie, l’horreur et la science-fiction. Après la Deuxième Guerre mondiale, la Hammer fera de l’horreur et du gothique sa marque de fabrique, se réappropriant les monstres mythiques du genre tels que Dracula, la créature de Frankenstein, la momie, le loup-garou et autres. Jusqu’en 1970, la firme impose son style et le public suit. À partir des années 1980, elle ne produit plus que des téléfilms et il faudra attendre la sortie de
Beyond the Raveen 2008 pour revoir une de ses productions sur grand écran.
Cette présentation faite, qu’en est-il de The Quiet Ones ? Grande-Bretagne, 1974. Brian McNeil (Sam Claflin) se fait engager par le professeur Joseph Coupland (Jared Harris), qui invite deux de ses élèves à participer à une expérience : soigner Jane Harper (Olivia Cooke), jeune fille qui se dit possédée par Evey. Pour le professeur, la possession n’est qu’un trouble mental qu’il est possible de soigner : « Soigne un patient et tu soigneras l’humanité », répète-t-il avec conviction. Dans ces expériences, chacun tient son petit rôle, Brian étant un élément extérieur se contente de filmer. Joseph Coupland tente différentes approches, de l’hypnose au spiritisme en passant par de mauvais traitements corporels à la vue desquels le caméraman intervient. Il s’est entiché de Jane : les couples se forment. Plus les expériences avancent, plus le professeur se conforte dans ses convictions scientifiques ; tandis que Brian, sceptique, remet en question le raisonnement de Joseph et préfère l’explication religieuse. De plus, les activités paranormales se multiplient, ce qui ébranle la volonté des deux étudiants. Seul le professeur — en raison d’une précédente expérience — est persuadé de pouvoir guérir Jane Harper, de même qu’il est convaincu que l’entité nommée Evey n’est qu’un poltergeist issu d’une de ses peurs infantiles, qu’elle matérialiserait dans une poupée. Plus le doute s’immisce dans la tête des étudiants, plus Evey se manifeste : le combat entre l’explication rationnelle et religieuse peut commencer.
D’un point de vue purement esthétique, The Quiet Ones est globalement bien abouti. Un bon jeu de lumière baigne les séances d’hypnose et plonge le spectateur dans une sorte d’angoisse hypnotique. Les séances de spiritisme sont, quant à elles, bien plus classiques : John Pogue nous présente tous les protagonistes en cercle appelant l’entité, qui s’amuse à les effrayer en multipliant bruits, télékinésie et combustion spontanée de certains objets. Les effets spéciaux sont efficaces et le film n’en est pas surchargé. Depuis Blair Witch Project , mais surtout Rec et Cloverfield , le procédé de la caméra à l’épaule (voire de la caméra-témoin) est de plus en plus utilisé dans les films d’horreur et épouvante. The Quiet Ones ne fait pas exception, mais le réalisateur semble avoir du mal à bien doser cette technique et certaines scènes en souffrent par l’aspect parkinsonien de cette manière de filmer. Ce procédé induit tout de même une certaine tension, notamment dans la scène où Jane parvient à fuir sa chambre et se trouve dans un grenier plongé dans le noir, scène qui ressemble à s’y méprendre à la fin de Rec .
La typologie des personnages reconduit des traits classiques du genre horrifique, mais le professeur J. Coupland est très charismatique. En effet, Jared Harris incarne bien le savant fou, ne se montrant pas trop fou justement et allant jusqu’au bout de sa théorie, peu importe les moyens pour y parvenir. La captivité de Jane laisse planer le doute sur ses bonnes intentions, mais elle fait aussi présager le pire. À chaque entrée dans la chambre, à chaque regard par le judas, le spectateur est pris d’angoisse et d’incertitudes. La multiplication des angles morts empêche la caméra de Brian de tout dévoiler, ce qui laisse le loisir au réalisateur de nous faire quelques surprises. On déplorera seulement un Brian un peu trop naïf, l’étudiante un peu trop aguicheuse et son compagnon un peu trop dépourvu de volonté propre.
Finalement, tout se joue dans l’aspect surprenant du film. En d’autres termes, la peur ressentie par le spectateur n’est pas due essentiellement à la musique, au jeu des acteurs ou à la prétendue possession de Jane ; mais c’est bien la multiplication des surprises et des jump scare (procédé de montage qui consiste à faire peur en introduisant subitement un élément dans le champ) qui sont au centre de la peur générée par le film.
Au total, avec The Quiet Ones les producteurs de la Hammer ne prennent pas de risques. Ils réutilisent les codes du genre sans les transcender et livrent au spectateur un film d’horreur angoissant, sans non plus donner dans le gore. Cette œuvre ne marquera pas le spectateur comme The Curse of Frankenstein (1957) ou Dracula (1958), mais elle lui fera passer un bon moment. The Quiet Ones plaira très certainement aux néophytes du genre, cependant un public plus rôdé l’appréciera peut-être moins.
Sources
—
The Internet Movie
, consulté le 10 mai 2014.
— Sur la Hammer : A. Barnes & M. Hearn,
The Hammer Story
, Titan Books Ltd, 2007, extraits disponibles sur le site
http://www.hammerfilms.com/
, consulté le 10 mai 2014.