Thomas Balaÿ
Bordeaux, ville qui a vu naître Rosa Bonheur, mourir Francisco de Goya et hébergé Montesquieu et Michel de Montaigne, nous offre jusqu’au 31 janvier 2021 une exposition dans les locaux de son flamboyant Jardin Botanique associant nature et photographie.
Immergé dans l’univers végétal du photographe Thomas Balaÿ, le visiteur redécouvre la nature sous un angle nouveau. Jeux de clair-obscur et de mouvements, les photographies représentent orchidées et succulentes sur fond noir, faisant ainsi ressortir la délicatesse de leurs formes.
Diplômé d’agronomie tropicale, Thomas Balaÿ, aussi appelé photographe d’Icônes Végétales, opte pour une approche autant scientifique qu’artistique dans son travail par le fond noir, le choix de lumière et la prise de vue rapprochée qui nous font vaciller entre analyse scientifique et contemplation artistique. Ayant voyagé dans le monde entier, son œil aiguisé sait voir la beauté intrinsèque des plantes : il met ainsi en avant matières, couleurs, volumes et formes. Ainsi, bien plus qu’une simple exposition, c’est un voyage sensoriel qui nous est proposé lors de cette visite en plein cœur du jardin botanique de Bordeaux.
En entrant dans la salle d’exposition le visiteur est, comme dans un bon roman, emporté dans un tourbillon d’interrogations et d’émotions. Nous sommes d’abord désemparés face à des photographies aussi évidentes que complexes : devant représenter à l’origine de simples plantes, celles-ci ressemblent à des danseuses enveloppées dans de larges voiles, des fruits, des organes et toutes autres choses… sauf des fleurs. Les plantes sont défigurées par le plan rapproché et rivalisent entre elles pour montrer leurs plus belles couleurs et leurs plus beaux volumes. Son intérêt pour l’agronomie tropical est d’autant plus flagrant que la diversité et le foisonnement des plantes rappellent les célèbres peintures de Georgia O’Keeffe. En effet, la moderniste américaine saisit aussi l’âme des plantes et leur vivacité et utilise comme Thomas Balaÿ la prise de vue rapprochée pour mettre en avant l’individualité et le dynamisme des plantes.
Certaines de ces plantes m’ont beaucoup surprise par leur ressemblance peut-être involontaire avec les chorégraphies de Loïe Fuller, danseuse du début XXème qui choisit la volupté des voiles pour marquer son identité artistique. Sa Danse serpentine ne peut que nous rappeler les photographies d’orchidées de Thomas Balaÿ par le fond noir et le dynamisme des voiles.
Comme nous le disions, cette exposition dépasse de loin un simple travail des yeux. Tous nos sens et tout notre intellect sont mis à l’exercice pour comprendre et apprécier ces œuvres sélectionnées parmi les images de ses ouvrages. J’ai eu la chance de croiser l’artiste dans les locaux de l’exposition, alors que celui-ci en sortait. Après présentation et formules de politesses, je ne pouvais pas ne pas lui demander « Pourquoi de telles photographies ? Dans quel but ? ». N’ayant pas pu converser très longtemps il m’a dit vouloir se débarrasser des représentations habituelles des plantes : les photos de cosmétiques et autres n’étant pas de fidèles représentations de la nature. « Ce que je veux, c’est capter l’âme des plantes par des représentations aussi vivantes et dynamiques que possible. »