Présent au FIFF pour le film En amont du fleuve de Marion Hansel, John Lynch, acteur, réalisateur et scénariste britannique, a accepté de me rencontrer pour une interview.
John Lynch nous livre ses goûts et ses opinions d’acteur, mais aussi ses idées de producteur…
Quelle est la chose que vous préférez lorsque vous jouez un film ?
L’histoire, car c’est la première chose que ça m’apporte. Je pense que chaque comédien ou comédienne dira la même chose. C’est toujours l’histoire et les cultures. Ensuite vient le rôle, et après le réalisateur ou la réalisatrice, les autres comédiens et finalement, l’endroit où nous allons tourner. C’est dans cet ordre-là pour moi.
Pourquoi l’histoire en particulier, il y a une raison à cela ?
Plus je fais ce métier, plus je deviens exigeant envers l’histoire parce qu’elle doit vraiment me parler. J’écris aussi, j’ai publié quelques romans donc, pour moi, c’est vraiment important. Si tu as une bonne histoire, tu vas dire quelque chose, illuminer et montrer quelque chose. Et ça, c’est important pour moi.
Quel est votre genre de personnage préféré ? Et qu’est-ce que vous avez préféré jouer dans votre carrière ?
J’ai souvent joué des rôles d’hommes psychologiquement abîmés. C’est peut-être un cliché mais c’est là qu’on trouve des choses intéressantes à exploiter sur les motivations des personnes, pourquoi elles font les choses qu’elles font. L’année dernière en Écosse, j’ai joué un homme atteint de la maladie de Parkinson qui commande le meurtre de quelqu’un. Ce personnage était vraiment compliqué et très noir. Il avait des choses obscures dans la tête… Je suis souvent choisi pour interpréter des rôles de ce genre et je les trouve très intéressants. Je ne joue pas souvent dans des comédies.
Vous trouvez cela intéressant parce que c’est un peu comme un défi ?
Oui, c’est comme un défi et aussi, examiner un rôle me conduit à m’examiner moi-même. Je mets de moi-même dans le personnage et je compare les deux, j’essaie de marier les deux et de trouver des choses en moi qui sont aussi dans le personnage. C’est vraiment un exercice intéressant, important et compliqué et c’est ce que j’aime bien. C’est un peu comme quand j’écris. Je m’examine moi-même aussi. C’est ça l’histoire, n’importe laquelle. Elle va te parler mais aussi parler au comédien et on se met soi-même dedans.
C’est-à-dire apporter une morale, faire réfléchir ?
Oui, exactement.

Qu’est-ce qui va vous convaincre d’accepter le rôle lorsque vous lisez un scénario ? C’est plutôt le personnage, l’histoire, l’époque à laquelle ça se déroule, le réalisateur ?
Ça dépend. J’essaie toujours de faire en fonction du scénario, le rôle vient après mais je ne suis pas toujours constant. Il m’est arrivé de faire un film seulement pour le rôle ou dans le passé, pour le réalisateur parce que je l’aimais bien même si le scénario n’était pas très bien. Cette fois-là, nous avons travaillé dessus pendant le tournage… Mais normalement, c’est le scénario.
Ce qui est excitant aussi, c’est le film que j’ai fait il y a six ou sept ans en Allemagne avec un réalisateur anglais qui s’appelle Chris Smith, un très bon réalisateur. Nous avons fait ensemble la Peste noire et nous avons effectué beaucoup de changements pendant le tournage. C’était excitant et c’était bien de le jouer. Et quand ce genre de choses arrive, c’est bien aussi.
Selon vous, quelles sont les qualités pour être vraiment un bon acteur ?
Écouter mais aussi savoir s’examiner et se définir soi-même, constamment, en fonction de sa jeunesse, de son passé, savoir pourquoi on en est arrivé là.
Quelle est votre réalisateur ou votre acteur préféré ? Est-ce une source d’inspiration ?
J’ai été très inspiré par John Cassavetes quand j’étais jeune. Je me souviens que je regardais des films de lui et j’étais tellement scotché par la fraîcheur de jeu des comédiens et les réalités qu’ils captaient… J’ai aussi eu la chance de rencontrer il y a des années Ben Gazzara et ce fut un moment magnifique pour moi. Sinon, mes comédiens préférés sont Peter Falk et Montgomery Clift.
En plus d’acteur, vous êtes scénariste. Lorsque vous devez écrire un scénario, comment procédez-vous ?
C’est quand quelque chose parle à mon cœur. J’ai écrit un film sur un joueur de foot, George Best, parce que je l’adorais et que c’était un grand joueur. C’est à cause de lui que j’ai créé ce scénario. Après, j’ai commencé à écrire des romans et c’est quelque chose que j’ai besoin de faire quand je ne travaille pas comme comédien. J’ai une base d’idées qui me nourrit et me permet d’inventer des mondes et des personnages, qui me permet d’examiner mon enfance. Écrire, c’est mon premier amour. Quand j’étais très jeune, j’adorais lire et j’adorais me dire qu’un jour, je créerai peut-être un livre. Ça m’est arrivé et c’est génial. Même si c’est dur, c’est la raison pour laquelle j’ai commencé à écrire.

Est-ce qu’après Best, vous avez eu envie de tourner un autre film ?
J’ai eu une idée pour un film. Le réalisateur avec qui j’ai travaillé sur la Peste noire et moi voulons faire quelque chose sur l’Irlande du Nord, sur des hommes de ma génération qui étaient dans l’Armée républicaine irlandaise et qui sont maintenant en exil parce qu’à présent, les solutions relèvent du politique. Aujourd’hui, ils sont donc inutiles après avoir fait la guerre pendant des années et des années. Pour moi, l’idée d’un homme qui doit retourner à Belfast après vingt ou vingt-cinq ans pour une raison et qui découvre à son arrivée que tout a changé, qu’il ne connaît plus le monde, est intéressante. C’est une bonne idée parce que je pense que ça n’a pas encore été fait. Nous sommes toujours en train d’en discuter pour voir comment nous pourrions créer ça. Donc oui, j’ai envie de créer ce film.
Selon vous, c’est quoi le mieux quand on est acteur ? Les voyages, les fans, les choses que l’on fait que l’on ne ferait peut-être pas dans la vie ordinaire ?
La dernière chose. Mais aussi les connexions entre les gens et avec les comédiens. Les rencontres avec des gens différents, avec des pays et des environnements différents, avec des cultures différentes… C’est une série d’aventures, c’est ça que j’aime bien. Ça change tout le temps.
Et quelle est l’aventure que vous avez préféré vivre jusque maintenant ?
Oh, il y en a beaucoup. Par exemple, j’ai travaillé avec Marion Hansel pour la première fois il y a dix-neuf ans pour un film en anglais (The Quarry) et maintenant, je travaille à nouveau avec elle pour un film en français (En amont du fleuve). C’est ça qui est génial dans mon métier : les connexions avec les réalisateurs, avec les autres comédiens et les idées qui arrivent et desquelles nous pouvons profiter et faire quelque chose. Il y a plusieurs films que j’ai adoré faire pour ces raisons-là : ils ont créé un métier de connexions.
Est-ce que pour vous il est difficile de vivre à travers un personnage pendant la durée du tournage ?
Quand j’étais jeune, j’étais indulgent dans le sens que j’étais content de jouer n’importe quel rôle, un psychopathe, un prisonnier… Mais plus je vieillis, plus je me rends compte que ma responsabilité est de raconter une histoire à travers les yeux d’un personnage. J’ai une technique, je tente de faire ressentir des émotions et d’habiter le personnage mais la fin de la journée, c’est la fin de la journée. Cela ne m’empêche de jouer à fond quand je joue mais c’est un film, une histoire.
Une dernière question serait : pourquoi acteur plutôt qu’écrivain ?
Ça paie mieux ! (rires.) Non, mais j’ai de la chance parce que je fais les deux. J’écris beaucoup même si ce n’est pas autant que je joue. Ce n’est pas plus facile d’être comédien mais il y a moins de responsabilités dans le sens qu’il y a quelqu’un qui te dit : « Demain tu dois prendre un vol ; demain, tu vas rester dans cet hôtel-là »… Quand tu écris, tu écris seul, c’est juste toi. Il n’y a personne qui te dit : « C’est bon, ce n’est pas bon. » Mais j’adore les deux.
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