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@FIFF2017
12 jours

En compétition officielle de la 32

En compétition officielle de la 32

e

édition du Festival international du film francophone qui se déroule chaque année à Namur,

12 jours

de Raymond Depardon est un documentaire relatant des audiences entre patients hospitalisés contre leur volonté et un juge de la liberté. C’est ainsi que le mot « liberté » prend tout son sens.

12 jours de Raymond Depardon combine ses thématiques fétiches, la psychiatrie et la justice. Par un plan serré, on découvre un premier patient interné sans son consentement. En face de lui se trouve un juge qui ordonnera de prolonger ou non son internement.

Depuis la loi française du 27 septembre 2013, un contrôle du juge de la liberté et de la détention doit être réalisé pour les hospitalisations complètes, dans les douze jours qui suivent l’arrivée du patient. Cette audience doit être tenue dans l’établissement du patient et en présence d’un avocat ainsi que d’un infirmier au moins.

Après un résumé des faits par le patient et son avocat, le représentant de l’ordre judiciaire délibère sur son sort. Les plans serrés sur l’un et l’autre donnent une impression d’égalité. Pourtant, le juge aura le dernier mot. La citation de Publilius Syrus qui me vient en tête résume parfaitement les réactions des non-conformistes : « Qui peut se résoudre à la folie, peut aussi se résoudre à la sagesse. » Les patients réagissent avec douceur : soit ils ont conscience qu’ils sont un danger pour eux-mêmes ou les autres, soit ils peuvent toujours faire appel de cette décision.

L’identité du réalisateur-photographe est bien présente. Le regard qu’il pose sur ces exclus de la société contre leur gré est rempli de compassion, mais surtout de respect. Il va sans dire qu’à certains instants, on ne peut s’empêcher de rigoler. Les magistrats eux aussi se retiennent parfois d’éclater de rire face à ce genre de folie : « Je ne vous écoute pas – Pourquoi ? – Les voix mes parlent. – Ah ! Vous entendez des voix. – Pardon ? Je ne vous écoute pas. »  Mais d’autres, par leur sens de la dérision, nous redonnent simplement le sourire au moment où on s’y attend le moins : « Vous avez entendu, j’ai un cheveu sur la langue. Mais c’est mieux que d’être muet ! »

Une femme, employée chez Orange, est persuadée que ses collègues et son employeur la persécutent continuellement. Devant son état émotionnellement instable, le juge convient qu’elle a encore besoin de soins. Une autre souhaite rentrer chez elle pour mettre fin à sa vie. La défense d’un homme de quarante ans qui a frappé un tiers se justifie par le fait que ce n’est pas un meurtre.

Le fait que la branche judiciaire vienne entraver les décisions des psychiatres légitime celles-ci. L’un des internés en sortant crie : « Abus de pouvoir. » Sans grande surprise, ces violences hétéro-agressives sont condamnées par l’ordre judiciaire. Les internés devront continuer leur « programme » au sein de l’hôpital psychiatrique. Cela démontre une certaine efficacité de l’hospitalisation sans consentement : la légitimation par le juge est justifiée par la nécessité de l’intervention psychiatrique.

Cependant, le manque de continuité et de suivi de chaque patient ne permet pas d’entrer complètement dans le récit. On s’attache à ces patients mais, malheureusement, au bout du compte, on en apprend très peu sur eux. Seront-ils soignés ? À quel moment ne seront-ils plus considérés comme des dangers publics ?

La photographie de 12 jours est à l’image du réalisateur, connu pour ses documentaires reflétant une part oubliée de l’humanité, ces personnes dont on entend peu parler et qui n’ont pas de voix pour les représenter. Ici, les dialogues suggèrent un respect mutuel entre l’autorité et les malades qui en veulent davantage aux psychiatres qu’aux juges. S’en dégage une liberté apparaissant comme un concept bien abstrait : selon l’être, elle sera limitée ou non. Reste la frustration de ne pas pouvoir les suivre dans leur démarche…

12 jours

Réalisé par Raymond Depardon
France , 2017
90 minutes

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