critique &
création culturelle
Les OVNI du remake turc

Oui ! Le documentaire Remake, remix rip-off : about copy culture & turkish pop cinema, réalisé par Cem Kaya, est un véritable OVNI où se mêlent propos d’acteurs, de réalisateurs, de producteurs et scènes remixées de films cultes.

Pour ce festival, on visionne environ cinq cents films. Et parfois on tombe sur des OVNI, comme celui-ci.

La saison culturelle Europalia Turkey bat son plein sur Karoo : nous vous proposons un regard hebdomadaire sur la programmation, à travers toutes les disciplines artistiques, jusqu’à la fin de janvier 2016.

Le Festival du cinéma méditerranéen de Bruxelles offre, jusqu’à ce vendredi 11 décembre, un focus sur la vitalité et la diversité des productions du Sud. Remake, remix rip-off a été programmé au sein d’un focus sur le cinéma turc.

Dans Remake, remix rip-off , Cem Kaya dépeint une période peu connue du public, celle de l’âge d’or du cinéma turc. Les années 1960 à 1980 ont été les plus prolifiques de cette cinématographie, alors qu’y abondaient les remakes de films américains, plus farfelus les uns que les autres.

Nous entendons rire les spectateurs. Je ne peux m’empêcher moi-même d’esquisser un léger rictus, et pour cause : ces remakes sont dignes des plus grands nanars. Des effets spéciaux abominables y accompagnent une interprétation approximative et des dialogues superficiels ; on va jusqu’à y reprendre certaines scènes de Star Wars que l’on colle à ces réalisations de séries Z sans contrainte. Les personnages prennent l’allure d’une pâle copie de Batman, portant le masque de Spiderman et le slip de Superman. Pourquoi ? Parce qu’à l’époque, en Turquie, aucune notion de copyright ou de droits d’auteur n’était d’application. Le plus important était de produire à la chaîne pour divertir le peuple. Un cinéma populaire où tous les scénarios se ressemblaient, invitant les familles à sortir de chez elles pour passer du bon temps.

Ce documentaire n’aborde pas que l’aspect humoristique de ces remakes. Il dénonce également la censure politique fortement présente à l’époque. Il était nécessaire de produire avec de petits budgets et tous les moyens étaient bons pour arriver aux fins désirées. Avant le tout début d’un tournage, le scénario passait déjà entre les mains des censeurs ; puis, le film une fois terminé, il fallait lui faire repasser le test. C’est pourquoi, au final, toutes les histoires se ressemblaient puisqu’elles étaient les seules à être accréditées par le pouvoir politique de l’époque.



À partir des années 1990, pratiquement tous les foyers turcs sont équipées d’une télévision ; commence alors le déclin du cinéma. Les familles restent chez elles pour regarder des soap operas durant presque trois heures. Le cinéma des rues de Yesilçam se perd au profit des séries qui permettent aux gens de se divertir à domicile.

Bien que multipliant les notations humoristiques, le film de Cem Kaya se conclut par une image triste. Les derniers plans nous montrent un bulldozer détruisant le dernier symbole culturel de l’âge d’or, le cinéma Emek. Une page se tourne : la Turquie ne connaîtra plus jamais une période aussi prolifique et atypique.

Remake, remix, rip-off nous en apprend davantage sur un cinéma d’un autre monde qui a connu sa période de gloire en copiant d’autres grands films du septième art hollywoodien. À voir par curiosité ou pour élargir la culture des plus cinéphiles d’entre nous.