L’histoire commence en 2014, je rentre comme tous les ans de la soirée de fermeture du BIFFF, seul, triste et dépité car, comme chaque année, il faudra attendre 350 jours (ou à peu près) pour cette quinzaine folle pendant laquelle je passe 14 heures par jour enfermé dans des salles sombres… Bref, j’arrive chez moi et comme toujours, machinalement, j’allume mon ordinateur. Je me rends sur un réseau social bien connu de tous et je vois cette « fausse » bande annonce…

Affiche

L’excitation monte d’un coup. Je ne rêve pas, je viens bien de voir ce que je viens de voir : des arts martiaux, un skateboard, une Lamborghini Countach, Adolf Hitler faisant des exercices de kung-fu, un mec qui ressemble affreusement au chanteur Günther, le Power Glove, une animation 8-bits, une valkyrie avec un uzi, le dieu Thor, des nazis qui se font éclater façon Liu Kang dans Mortal Kombat, une DeLorean immatriculée « OUTATIME », un « Roborne d’arcade* », et pour couronner le tout, un T-Rex. 2 minutes top chrono… et j’étais encore loin d’avoir tout vu.

À la fin de ce trailer, je découvre un message me proposant de me rendre sur le kickstarter*** du projet car, je ne rêve toujours pas, c’est un vrai projet cinématographique.

Les recherches commencent… je remarque très vite que l’engouement autour de ce projet est planétaire, mais encore très underground. En un mois le kickstarter qui demandait 200 000 $ récolte 630 019 $, soit 3x le budget prévu. Kung Fury va donc prendre vie.

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Pendant un an, on en entend de plus en plus parler dans le milieu geek, dans les festivals de cinéma, chez les fans de genre et les cinéphiles. En un coup, BAM ! c’est la bande originale qui débarque, David « Mitch K2000 Buchannon » Hasselhoff signe le titre True Survivor.

Cette chanson, thème du film, a été écrite et composée par les suédois Jörgen Elofsson et Mitch Murder, et interprétée par David Hasselhoff. True Survivor est plus qu’un simple hommage, elle colle à l’ambiance du film et lui ajoute une couche de second degré supplémentaire.

Vous pouvez vous délecter en regardant le clip ici :

Et le 28 Mai 2015, c’est la première mondiale de Kung Fury. Et pas n’importe où : sur YouTube ! À 22h15 GMT le film est rendu public sur la toile après une heure de YouTube Live et d’interviews de l’équipe du film. Logo « Laser Unicorns » : ça y est, on rentre tout de suite dans le « vice » du sujet (oui, parce que pour quelqu’un comme moi, c’est presque un vice ce film).

Tout y est. L’ambiance, le jeu d’acteur, le décor mal incrusté sur green key, un tricératops en uniforme brillamment nommé Triceracop …la bande de la VHS est usée, le son déconne et l’image a sauté…ah non, en fait on est sur YouTube…

Les références sont omniprésentes, et pourtant l’ensemble du film est d’une originalité totale. David Sandberg, le réalisateur (qui interprète aussi le rôle de Kung Fury) s’est lâché à 8000%, tout en s’appropriant tous les codes d’un genre et d’une époque. Quand au traitement de l’image et du son, c’est tout bonnement époustouflant. Comment vous expliquer ce qu’est l’impression de regarder une VHS en HD ? Et le contenu visuel, référant aux codes des années 80 et 90, fait la part belle aux clichés des séries Z et des sentaï (Power Rangers, Bioman) et aux jeux vidéos cultes (Mortal Kombat), agrémenté d’un scénario barré et ironique. J’ai déjà peur de trop en dire.

 

150610 Kung Fury 5Pour Sandberg, c’est un premier film, un premier rôle et un premier hit. Droit au but (comme l’OM). Le film a déjà été vu sur YouTube plus de 13 millions de fois et a déjà généré au moins 1 million de dollars en quelque jours. Il serait probablement adapté en long dans les 3 années à venir. Le jeu vidéo à l’aspect « Beat’em All ****» (rappelant la grosse scène de baston du film), Kung Fury : Street Rage, est déjà disponible sur l’App Store, Google Play, Windows Play et Steam.

Sandberg fait partie de cette nouvelle génération de réalisateurs qui, comme RKSS et son Turbo Kid, est née sur le net et dans les courants alternatifs du cinéma et qui, plutôt que de chercher à faire du blockbuster bourré d’images de synthèse, ont compris que l’efficacité ne se trouve ni dans la 3D, ni dans les CGI, ni dans le remake/reboot. Une génération qui a compris que c’est dans l’imperfection qu’on trouve ce qui fonctionne le mieux. Retour aux bad guys bêtes et méchants (mais surtout bêtes), deus ex machina gros comme un T-Rex, des situations tellement attendues que l’on finit par être surpris. Bref, du cinéma bien à l’ancienne, loin des monstres de l’écurie Marvel et autres Michael Bay.
Ici nous somme dans la droite lignée de Last Action Hero et…ça fait du bien.

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Cette nouvelle génération de créateurs annonce un genre nouveau. De plus en plus de projets voient le jour sur le net, et YouTube, avec son système de rémunération, est très en vogue. On tourne avec peu de budget un trailer ou le pilote et quelques courts épisodes d’une websérie, on en parle un maximum, et les vues arrivent grâce au bouche à oreille. Avec les vues, ce sont les publicités et donc la rémunération des vidéastes qui suivent. Nous ne somme plus dans le gavage du public mais dans un système où l’on crée avec et pour le public. Versez 5€ dans un projet et vous vous retrouvez, en quelque sorte, producteur de l’oeuvre.

Je vous invite sans plus attendre à regarder cette petite perle qui a déjà été sélectionnée et présentée à la Quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes cette année. Et c’est ici, unleash the Kraken :

En savoir plus…