Bruxelles,

Je t'écris d'un lieu aux lumières crues et dont j'arpente les rues dix heures par jour.

Mes talons se cornent dans mes sandales de cuir tressé contre les pavés tièdes, et je file dans la ville délaissée de ses habitants aux heures les plus chaudes.

Je fuis les grands rassemblements et les regards, je crois avoir perdu l'habitude de lire tant de visages inconnus. Après tout, j'ai déjà mis tant de kilomètres entre nous, il faut du temps pour apprivoiser ceux qui vivent aux abords du Guadalquivir, même si leurs teints tannés et leurs intonations résonnent un peu comme dans les lieux où j'ai grandi, plus au sud que toi.

Tu sais, ici je brûle du dehors ardent, je me noie dans le jaune violent, mon t-shirt noyé de moi-même et des années passées à tenter de me perdre puis de me trouver.

Je lis le dehors comme dans un grand livre emplit d'images. Mon champ lexical lié au soleil s'élargit sans syllabes, mon corps se tend et absorbe, les souvenirs, les sensations, le tintement de l'eau dans les fontaines en pierre claire et le blanc aveuglant qui filtre à travers les yuccas.

Je ramènerai dans mes bagages des bouts de cette fugue en destination cousine, et ensemble, nous nous remémorerons ses contours lorsque tu m'offriras refuge pour la septième année consécutive.

À vite,

Marie

Séville,

Mai 2021