Les éditions ONLIT publient Poney Flottant d’Isabelle Wéry, un roman à la forme hybride qui raconte l’enfance d’une écrivaine de polar fictive, Sweetie Horn.
C’est bien connu, les belges n’ont pas froid aux yeux. Ils n’hésitent pas à bousculer la langue française, à la rendre vivante, fuyante pour mieux la réinventer. C’est ce que fait Isabelle Wéry, actrice metteuse en scène et autrice belge, avec son deuxième livre.
Elle parle françay, ou plutôt, non, une espèce de langue proche d’un françay bâtard
Belllge, bellge, c’est du belllge.
Le résumé révèle toute cette folie : Sweetie Horn, autrice à succès de soixante-dix ans, reprend connaissance suite à un malaise au troisième kilomètre d’un semi-marathon, après avoir vu le roi de Belgique… Incapable de communiquer avec le monde extérieur, elle entreprend d’écrire mentalement le récit de ses premières années. Elle se souvient, elle a 10 ans et vit en Angleterre dans la ferme familiale.
Ses premières pensées sont désordonnées, étranges aussi bien dans la forme que dans le fond. Très vite, elle se souvient de son grand-père, de son amour ambigu pour lui, du cheval qu’elle exige ou encore de l’arrivée de ses frères. Le lecteur se retrouve submergé par la folie de la narratrice et ses aventures tour à tour écolos, féministes et, au fil des page, le récit se transforme : il devient étrange, drôle, fantastique (et fantasque ?).
Je ne peux pas comprendre comment mon si beau grand-père peut avoir un jour épousé cette si laide chose qu’est la grand-mère. Elle fait vieille, elle a des poils. Et lui d’être dandy, de quelque chose d’Oskkkar Wilde.
Le monologue intérieur interpelle, choque, fait rire. On y croise de la poésie, de l’humour noir mais aussi de l’insolence et tout le monde en prend pour son grade :
Ma mère, cette conne. A craqué. Elle a fait une écho et a vu les deux larves d’un millimètre de diamètre, et c’était parti… Elle est rentrée en larmes à la maison, a dit à mon Père : « Ils te ressemblent tant.
Il est tout à fait impossible de classer ce roman, on pourrait le définir comme un conte initiatique, une fable, une autofiction ou un nouveau manuel de grammaire tant la syntaxe et les mots se font bousculer :
pou écouté lé insec pour écouté lè umain nou ne meton pal è mêm orei.
On trouve des personnages particuliers à l’image de l’héroïne qui ne grandit plus soudainement. Incapable de bouger, Sweetie redécouvre, réinvente alors sa jeunesse qui vire parfois à une ode à cette période de l’enfance à la fois douce et compliquée. Le roman entremêle les thèmes entre l’amour et l’insolence ‒ il y a la mort aussi avec une mère qui dirige un service d’oncologie. On trouve de la philosophie, de la douceur, de la vulgarité. Poney flottant mélange des mots français, anglais, c’est un tourbillon à la fois de la langue et des drames. Il y a parfois des livres qui nous chamboulent à nous en faire perdre notre langue. Isabelle Wéry n’écrit pas un livre en français, mais en belge, tant l’audace de changer les codes transcende cette histoire totalement folle.