critique &
création culturelle
Scalp de Christine Aventin
Quand maladie rime avec poésie

Dans son récit Scalp (L’Arbre à parole, avril 2021), Christine Aventin nous propose sa rétrospective sur une histoire personnelle teintée de chagrin et de maladie, le tout avec une poésie tantôt légère, tantôt émue.

S’il semblait que la crise sanitaire agaçait les esprits tant elle est médiatisée, Christine Aventin a malgré tout décidé de s’emparer du sujet en retraçant son histoire personnelle alors qu’elle rédigeait FéminiSpunk pour les éditions La Découverte. Bien que cet ouvrage soit présenté comme une analyse lucide du potentiel en puissance des femmes, il ne permettait pas à l’autrice de s’exprimer quant au quotidien dénué d’espoir qu’elle vivait. Dans Scalp , récit avant tout poétique, l’autrice nous dévoile son expérience dans un texte dont la gravité est largement dissimulée par la légèreté de la poésie. Elle confie d’ailleurs que Scalp contient tout ce que FéminiSpunk ne pouvait dire. Partagé en cinq parties (« La pleureuse des parricides », « Pneumocoques », « Polaroïds », « Punk pugilisme » et « Le blanc du bel oubli »), Scalp revient sur plusieurs étapes de la vie de l’autrice : une longue hospitalisation, une crise sanitaire, une progressive rémission, deux ruptures à intervalles réduits, et finalement, un petit espoir au bout de mois de pessimisme.

Si le récit de Christine Aventin est un prétexte à raconter une multitude d’événements douloureux, il montre aussi une volonté de parler d’amours. C’est ainsi qu’à travers la mention de ses ruptures, l’autrice nous invite à reconsidérer la question amoureuse, mais nous présente aussi une autre façon d’aimer, celle du polyamour qui, semble-t-il, a pour défaut de laisser la possibilité à plusieurs séparations de survenir au même moment. D’autre part, l’écriture poétique, puisqu’elle est incisive et vive, renforce également l’idée suivant laquelle l’écriture peut constituer un refuge quand on s’explore à travers elle. De fait, même si Christine Aventin n’exprime pas forcément, à travers son récit, à quel point l’écriture a pu servir d’alliée, on peut lire une forme d’ironie dans ses propos qui désarment parfois.

Je me mets en self
apitoiement,
me délectant des oraisons
que l’agonie m’avait promises
et que pour raison
d’atermoiement
elle a finalement le bon goût
via ces morts anonymes
de me livrer de mon vivant.

Si le texte est touchant par son rythme essoufflé et son contenu difficile, la poésie y est souvent hermétique. Le jargon médical, qui constitue le champ lexical le plus présent du texte, utilisé soit pour évoquer la maladie de l’autrice, ou bien la réalité partagée de la crise sanitaire, rend les éléments du récit relativement opaques. Malheureusement, compensé par le rythme de la poésie, il arrive parfois lors de la lecture que l’attention se perde tant le vocabulaire est obscur. Étant donné l’expérience de l’autrice dans le domaine de l’écriture, il semblerait toutefois que cette propension à marteler ces termes médicaux à l’attention du lecteur soit un moyen de transmettre le surmenage vécu lorsque, tombée malade, la vie paraît s’acharner de façon incessante. Elle mentionne d’ailleurs, ce qui laisse penser qu’il y a une volonté de submerger le lecteur :

Afin de conserver
l’empathie nécessaire
à votre cat[h]arsis,
pour une bonne lecture,
gardez en tête que je suis
en déflagration hormonale
(j’ai mal aux seins)
et un brin maso,
mais vous l’aviez compris.
J’ai le trauma comme alibi
revanchard […]

Malgré toute la peine que l’on éprouve à lire certains passages trop parsemés d’expressions rares, ou d’autres trop empreints de douleur, Scalp laisse dernière lui le sentiment d’une portion de vie inachevée à la suite de laquelle on peut imaginer survivre.

Même rédacteur·ice :

Scalp

Christine Aventin

L’Arbre à paroles, 2021

105 pages