Trois mots sur
Louis-René des Forêts (2)
de 1916 à 1960
10 octobre 2016 par Guillaume Sørensen dans Livres | temps de lecture: 4 minutes
de cet auteur discret
et peu prolifique :
mon des Forêts,
subjectif, forcément déformé,
le portrait d’un maître en écriture.
Dans un premier article, j’avais commenté l’un des chefs-d’œuvre de cet écrivain aussi peu prolifique que talentueux. En effet, l’œuvre de sa vie tient en un seul et unique volume Quarto ! Concernant sa biographie, j’éviterai de trop en dire. Position discutable, mais j’aime penser que l’œuvre dépasse son créateur, tel un Frankenstein de papier, immobile et muet, attendant d’être découvert par d’inspirés bibliophiles. Point de biographie-minute donc, je vous renvoie à Wikipédia, encore elle. Enfin, je n’évoquerai pas son travail de critique musical, de peintre ou de journaliste, seulement celui d’écrivain.
1943

Louis-René naît en 1916 à Paris. En 1943, paraît son premier roman, les Mendiants. Louis-René a vingt-sept ans. Pas moins de onze narrateurs se succèdent dans ce récit passionné, où l’on sent le spectre de Faulkner peser de tout son poids ; cependant on y ressent une sorte de fougue zébrée de naïveté, comme cette fureur sourde de l’adolescence chez Fournier par exemple. Les deux s’entremêlent, et si le récit est d’une maîtrise remarquable, je n’y retrouve pas l’extrême finesse des écrits ultérieurs. Sans doute l’influence américaine se fait-elle trop forte ; l’entrée en matière m’a paru pesante, aussi. Pourtant le style est déjà là, glissé entre les deux pères littéraires ! Résumer l’intrigue est un défi en soi : disons qu’il s’agit d’une bande d’ados qui miment un héroïsme fantasmé. Ils organisent des conseils de guerre pleins de solennité pour voler des citrons au port, se livrent à des joutes équestres, des jeux de pouvoir et des premières amours maladroites.
1946
Le Bavard paraît en juillet chez Gallimard. Second et dernier roman de des Forêts, ce long monologue contient à lui seul tout le paradoxe de la littérature et joue de façon astucieuse sur le contrat que tout auteur passe avec le lecteur. Faire vrai, donner l’illusion dans un mensonge commun librement consenti par l’autre partie et ce faisant atteindre les tourments délicats de l’âme humaine par une ingénieuse mise en abyme. Voilà ce qu’a réussi des Forêts ; je crains sous l’apparente banalité de ma formule d’en avoir déjà trop dit, de spoiler !

1953
Le Voyage d’hiver, roman dont seuls deux chapitres sont conservés par des Forêts, est un rude échec personnel, après des années de travail. L’auteur lui-même jugea plus tard ce roman verbeux, donc selon lui impubliable. Ce qui mènera à une production de plus en plus condensée par la suite, comme il le soulignera lui-même avec cette jolie formule, en 1960 : « L’idéal pour moi, voyez-vous, serait de composer, selon le mot de Schönberg, Un roman en un soupir. »
1960
La Chambre des enfants paraît en mars chez Gallimard. Ce recueil de nouvelles comporte les Grands Moments d’un chanteur, dont j’ai déjà parlé ici, et quatre autres nouvelles où le mutisme et la figure de l’enfant occupent une place centrale. Des Forêts continue son exploration double des temps précédant la vie d’adulte et de la force du langage, de son absence, de son enfermement dans un corps incapable de le produire, et de l’échec potentiel de cette production. Le style est ciselé, d’une densité prête à donner le vertige.
Nous restent alors quatre décennies à parcourir. Mais pour faire court, le travail fictionnel en prose, à part une nouvelle, s’arrête là. Suivront des recueils de poésie et l’immense entreprise des fragments autobiographique de la dernière partie de sa vie, que nous découvrirons dans un prochain article.
L'auteurGuillaume Sørensen
Armé de ma fidèle canne, jamais tout à fait les pieds sur Terre, à côté de mes pompes ou bien de l'autre côté, J'essaie de rester assis sur le barreau…Guillaume Sørensen a rédigé 19 articles sur Karoo.
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