Du 8 janvier au 2 février 2019 au Théâtre de Poche, Caroline Safarian et Dominique Pattuelli tentent de briser les tabous et les cycles infernaux qui balisent la vie avec Ménopausées. Durant 1 h 15, une avalanche de témoignages aux teintes variées prennent possession du plateau à travers Marie-Paule Kumps, Serge Demoulin et Dominique Pattuelli.

Tout commence par une lune. Projetée sur le pendrillon du fond, la lune, et tout ce qu’elle représente, se jette sur scène comme première comédienne et fait taire les derniers commentaires avant-spectacle.

© Véronique Vercheval

La lune, celle à laquelle on associe la féminité et les cycles qui la définiraient, accompagne le vivant du plateau et mon expérience en salle durant 1 h 15. Elle évolue, effectue sa boucle, me montre ses moments d’éclipses, sa galaxie, elle me raconte sa vie, un témoignage lunaire qui accompagne tendrement les témoignages des autres hommes et femmes du plateau.

Car s’il n’y a qu’une lune, aux faces certes multiples et envoûtantes, « il y a autant de ménopauses que de femmes », et par conséquent, autant de témoignages qui s’enchainent et prennent chair ce mercredi soir au Théâtre de Poche.

Des témoignages qui reviennent sur des épisodes traumatiques que la ménopause a occasionnés dans la vie de certaines femmes, mais aussi d’aventures libératrices, de redécouvertes, de bilans… On est face à un déploiement kaléidoscopique de témoignages porté sur scène par Marie-Paule Kumps, Serge Demoulin et Dominique Pattuelli.

Tour à tour, ils jouent ces femmes, et par conséquent ces hommes, qui l’ont mal vécu au départ, celles qui ont retrouvé l’appétit sexuel qu’elles ne soupçonnaient pas, celles qui ont usé de ruses pour transformer en public une bouffée de chaleur en malaise vagal, ceux qui sont indifférents à ces « problèmes de bonnes femmes », celles qui ont fait la paix avec elles-mêmes, ceux qui se sentaient dépossédés…

La ménopause, passage rituel vers un autre soi, synonyme d’angoisse et de réconciliation, de guerre et de paix, est montrée, décrite par toutes celles qui l’ont vécue, mais aussi par les non-membres du club qui y ont été confrontés.

© Véronique Vercheval

Alors, j’écoute, je vois défiler les personnages, les histoires, avec toujours le regard de cette lune en fond… Je suis face à une multiplicité d’individualités, parfois touchantes, parfois drôles, parfois folles, parfois tristes. Je deviens témoin de récits personnels fleurissant dans les différents espaces du plateau.  J’écoute, je regarde, la parole de ces individus passer à la fois d’un corps à l’autre mais aussi se déplacer dans tout l’univers dramatique et scénographique. Ainsi, les témoignages vagabondent de la structure de « pierre » mystique côté jardin, au micro sur pied au fond du plateau côté cour, pour revenir à l’avant-scène et enfin se retrouver dans la salle…

Les comédiens évoluent avec ces récits dans un espace qui devient ce que celui qui parle veut nous montrer, chaque mot est comme un coquillage qu’on ramasserait sur une plage.

Ainsi, chaque coquillage est une façon pour celui qui l’a déposé de mettre à nu un tabou, quelque chose dont on ne parle pas par peur d’être pointé du doigt, de défaire l’équilibre… Chacun d’entre eux est singulier et propre à celui qui le pose sur cette plage. Durant ma déambulation sur ce rivage spectatoriel, j’ai récolté, observé, j’ai rempli mon panier de témoignages que me proposaient Ménopausées. Aujourd’hui,  je le scrute, je comprends les tourments, l’espoir, le passage-clef et ce que cette étape peut représenter… Mais aucun fragment récolté ne m’appartient vraiment.  

Pourtant, au-delà de l’intime, au-delà du témoignage, de l’individuel, il y a le mystique, qui transparait dans des moments où chaque comédien perd son visage le temps d’un déplacement en enfilant un masque dont la forme m’évoque celle d’un « troisième » œil … des moments intouchables, impalpables, poétiques qui me dépossèdent de tous mots.

© Véronique Vercheval

Il y a aussi l’universel, ce qui arrive à « toutes », ce petit chaperon rouge qui devient blanc, conte d’ouverture qui rend accessible l’histoire de toutes les femmes.  

Il y a le sociétal qui transparaît un peu dans chaque proposition, cette violence de devoir « rester » jeune, de ne plus se « sentir femme », autant de violences, de questions, qui tourmentent nos personnages, entretenues non plus par le lien au corps qu’on perd, mais par le lien au monde et à une société dont on a la sensation qu’il ne nous appartient qu’à moitié.

De grandes questions autour d’un phénomène qui touche toutes les femmes et les hommes qui ont une femme dans leur vie, quelle que soit leur façon d’y résider, comme une lune qui habite toutes les nuits.

Des questions qui se devinent, qui me prennent aux tripes, mais que je vois se diluer dans ces bribes d’intimité dont aucune ne m’appartiendra jamais, et pourtant, maintenant qu’elles ont envahi le plateau, se veulent à tous.

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Ménopausées

Mise en scène par Caroline Safarian
Avec Marie-Paule Kumps, Serge Demoulin et Dominique Pattuelli
Chorégraphie de Laura Mas Sauri
Scénographie de Olivier Wiame
Lumières Xavier Lauwers
Costumes Carine Duarte
Une coproduction du Théâtre de Poche et de la Coop asbl et Shelter Prod.

Au Poche : 8 janvier au 2 février 2019
Au Centre culturel de l’Arrondissement de Huy : 8 février 2019
Centre Culturel de Gembloux : 16 février 2019
À Wolubilis : le 1er mars 2019
À la Vénerie : du 7 au 10 Mars 2019