critique &
création culturelle

Opúsculo d’Aëla Labbé

Fond d’écran (24)

Fond d’écran, c’est une image, une peinture, une photo… En quelques lignes, pourquoi et comment elle a laissé une empreinte indélébile sur votre rétine ! La plateforme f/75 , regroupant des photographes s'identifiant comme femmes, non-binaires ou non-cisgenres, se prête au jeu et se penche sur le travail de concitoyen·nes.

J’avais environ seize ans lorsque j’ai vu la photographie d’une jeune fille, assise sur des marches en bois. Elle nous tourne le dos. Quelques mèches de cheveux coulent dessus. Elle est courbée vers l’avant, le buste nu. Son épaule droite appuyée sur le mur vert de la cage d’escalier.

L’image reste au fond de moi parce qu’elle me rappelle que la photographie n’est pas perfection. Que l’émotion naît du presque rien, d’un corps assis là. Des couleurs délavées sorties du passé. Du léger flou sur ses cheveux noirs. Des détails de sa peau, de sa colonne vertébrale. Il se trouve que son épaule droite est aussi à ma droite. Parce qu’elle me tourne le dos et que je suis derrière elle, comme un miroir.

L’image me hante parce qu’elle se construit sur une fiction qui me semble trop vraie. Si peu d’efforts ne me font pas croire à une mise en scène : pourquoi serait-ce faux ? Le faux n’est-il pas que maquillage ? Elle défait ma pensée de la photographie. L’artificiel n’est pas ostentatoire et éclatant, il est le réel qu’on modèle avec nos gestes imparfaits.

Elle a agi sur moi comme l’ont fait de nombreuses images, creusant ma rétine et ma pensée en me faisant concevoir un champ des possibles. Une photographie qui travaille le temps non pas en le fétichisant mais en le rendant trouble. Elle m’a appris que l’artifice peut être minime si l’on a une histoire à raconter. Que la photographie a toujours été une affaire de fantômes et de silence, de lieux anodins et de figures anonymes.

 

Alexia Coudrin

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