2017 selon nous (3)
La rédac’ s'est mobilisée pour vous communiquer ses coups de cœur de l'année. Peut-être y découvrirez-vous des choses, peut-être en aurez-vous aimé certaines, ou peut-être ne comprendrez-vous pas certains choix. Dans tous les cas, laissez-nous une trace de votre pensée en écrivant un message au bas de chaque article, quel qu’il soit ! 2017 selon nous, c'est parti.
1. Cold Blood de Jaco Van Dormael, Michèle Anne De Mey et Thomas Gunzig
Pièce (au Théâtre National) de Jaco Van Dormael, Michèle Anne De Mey et Thomas Gunzig (texte). Une œuvre « totale » en ce qu’elle charrie, unit et confronte la plupart des langages artistiques sur une scène de théâtre : danse, théâtre, cinéma, musique, narration (voix off). Comme si Jaco Van Dormael, avant tout connu comme réalisateur de cinéma, avait conféré au théâtre une caractéristique propre au cinéma : la totalité, cette capacité à restituer la globalité du réel, tout en y ajoutant un point de vue, c’est-à-dire en le réinventant. Cette pièce n’est pas seulement le lieu de confluence de différents arts, elle incarne et crée littéralement un nouveau langage artistique. Elle ne se borne pas à intégrer le cinéma dans le théâtre, car alors le cinéma se révélerait en un sens dans/à l’intérieur et donc subordonné au théâtre, il n’en constituerait qu’une partie. Or ici, il s’agit d’un véritable dialogue ultime entre cinéma et théâtre, où les deux arts, même si le territoire et lieu de rencontre se produit sur les planches d’une salle de théâtre, conservent une autonomie et entretiennent un dialogue éblouissant, à la fois confondus/interconnectés en ce que l’un et l’autre montrent la même chose (les mêmes scènes, séquences et images), mais aussi séparés/indépendants de par la manière dont ils montrent le contenu qu’ils partagent. Cette pièce, en montrant comment le théâtre et le cinéma montrent la réalité, nous montre ce que sont respectivement théâtre et cinéma.
2. Les Sauteurs de Moritz Siebert, Estephan Wagner et Abou Bakar Sidibéand
Documentaire de Moritz Siebert, Estephan Wagner et Abou Bakar Sidibéand dans laquelle ce dernier, un migrant africain, reçoit une caméra pour filmer le parcours et les conditions de vie des migrants. Un film sur les migrants réalisé par un migrant. Poignant, il pose la question du cinéma du réel : ce type de cinéma consisterait non pas pour un expert en cinéma à filmer d’une certaine manière le réel, mais pour un amateur en cinéma à filmer le réel à sa manière. Le cinéma du réel ne dépend il pas plus de la personne qui filme que de ce qui est filmé ? Biais nécessaire à l’expert en cinéma ? Cinéma du réel comme cinéma sans point de vue ? Exemple de scènes filmées dans le documentaire : le réalisateur court et laisse la caméra filmer des images sur lesquelles il n’exerce aucun contrôle. Cinéma du réel : filmer sans filmer ? Résultat de certaines images : confuses, brouillées, montrent sans montrer, mais ne rendent-elles pas justement la réalité de la situation vécue ?
3. Konoba, jeune artiste belge imprégné d’indie pop et d’électro lyrique
Musicien, compositeur et producteur, ce jeune artiste belge imprégné d’indie pop et d’électro lyrique propose une musique envoûtante où l’artifice de la technologie instrumentale se met superbement au service de l’émotion et de l’humain. La technologie ne remplace pas l’humain, elle le sert. En outre, sa vision de la musique véhicule une vision sociale qu’il se met un point d’honneur à matérialiser lors des concerts en exhortant le public à aller à la rencontre de lui-même en se prêtant à un moment d’accolade entre inconnus censée représenter la vocation de communion universelle portée par la musique.
4. F estival Maurice Laventure, le festival du film de voyage et d’aventure
Dérogeant à la règle, je choisis de parler d’une série d’évènements et d’un festival plus que d’un artiste ou d’une œuvre. Le festival du film de voyage et d’aventure promeut l’une des caractéristiques essentielles de l’être humain, sans laquelle l’humanité n’aurait jamais existé : la capacité à s’arracher à sa propre existence, à la vie, à son environnement immédiat, à toutes les circonstances entourant physiquement un individu. Il célèbre la capacité humaine à dire non à la vie, à se délocaliser/ déterritorialiser pour initier une nouvelle vie. À dire non à une certaine vie, pour se déraciner quelque part et mieux s’enraciner ailleurs. À recréer ses propres origines.