Dans son dernier spectacle Autòctonos , la chorégraphe argentine Ayelen Parolin critique une société individualiste où chacun et chacune devrait sans cesse être parfait.
Quatre danseuses interprètent la même partition sans jamais ni se répondre, ni se croiser, dévoilant le laid, le brutal, le lent et l’incompréhensible qui existe en chacun de nous. La pianiste Léa Pétra les accompagne avec une composition frénétique et puissante pour piano préparé.
Long noir. La lumière, petit à petit, nous dévoile un tableau immobile composé de cinq figures féminines, dont quatre portent des couvre-chefs insolites : fleurs, plumes, paille. Un tableau classique, tenant à la fois du portrait et de la nature morte.
Noir.
L’immense plateau blanc est soudain éclairé par des néons cruels. Une des danseuses commence à se mouvoir pour, semble-t-il, nous défier. Ses gestes pourraient être une caricature du flamenco : elle tape du pied, bombe fièrement le torse, les bras en position torero. Les trois autres, petits à petits, la rejoignent, tandis que la composition commence pianissimo : la même note, au son étouffé par la préparation du piano , dans des rythmes complexes.
Ayelen Parolin, d’après le programme, s’attaque à déconstruire la performance permanente exigée par nos sociétés libérales, dans lesquelles chacun.e est invité.e à se montrer uniquement sous son meilleur jour. J’y ai aussi vu une critique de l’individualisme.
Car au lieu de faire éclater la beauté et la force du groupe, les danseuses déforment chacune pour elles-mêmes la partition commune. La seule relation qu’elles créent est avec le public, mais elles paraissent soit le défier brutalement, soit vouloir l’impressionner, soit encore vouloir le séduire. Pas d’honnêteté ni de bienveillance dans ces regards pour les spectateur.ice.s.