Chez Tropismes, on lit !
Aliette Griz,
Véronique Janzyk,
Patrick Delperdange et
Juan d’Oultremont :
quatre auteurs publiés simultanément
chez Onlit.
Le 25 octobre dernier, à l’occasion de la présentation des nouveautés d’ Onlit , le magnifique rez-de-chaussée de la librairie Tropismes était bondé. Et les quatre auteurs parfaitement mis à l’aise et en valeur par David Courrier qui animait la rencontre avec toute la finesse et l’à-propos qu’on lui connaît – et qu’on peut apprécier sur Télé-Bruxelles dans LCR , une des meilleures émissions culturelles de notre paysage audiovisuel. En relevant le défi de présenter quatre auteurs particulièrement diserts sur leur art poétique, leur rapport à l’écriture, leurs références ou les moteurs narratifs mobilisés dans leur dernier livre.
Aliette Griz est française. Elle s’est installée en Belgique il y a dix ans. Au départ, c’est une blogueuse, mais elle a rapidement diversifié son rapport à l’écriture. Les éditions Maelström ont publié son premier texte (C’est tramatique) et L’Arbre à paroles un récit en tableaux au début de cette année (S’éclipser). Les fantômes sont des piétons comme les autres est son premier roman. Il est construit à partir d’une contrainte qui a les allures d’une commande pour un blog : raconter les quatre saisons de Bruxelles. Très vite cependant, la dimension documentaire cède le pas à la fiction et le narrateur se met à la recherche de personnages perdus, réels ou virtuels.
La dimension fantastique est plus prégnante encore chez Véronique Janzyk , un auteur maison puisque le Vampire de Clichy est son troisième livre publié chez Onlit. L’auteur est également journaliste et poète ( Trois Poètes belges aux éditions du Murmure, anthologie consacrée également à Antoine Wauters et Serge Delaive). Le personnage qui donne son titre au livre n’en indique pas tout à fait le ton ; les amateurs de vampire fantasy seront déçus. Mais son entrevue avec la narratrice déclenche une série de rencontres avec des personnages en rupture dont les évocations flirtent avec l’étrange, parfois à la limite du fantastique. L’écriture est à la fois subtile et heurtée. Janzyk ne nous expose pas les failles ou les brisures de ses personnages, mais on les devine.
Si Véronique Jancyk brouille un peu les pistes entre les genres, Patrick Delperdange , lui, ne se pose pas de question . Comme des chiens est un polar à la manière de ceux qu’il aime lire. Tous les ingrédients du genre sont réunis : un privé borderline , une disparition mystérieuse, pas mal d’alcool et de médocs pour supporter la baston, un peu de sexe, un milieu glauque à souhait et des rebondissements jusqu’à la dernière ligne. On est loin de Chants des gorges , un OVNI que Karoo a beaucoup aimé , couronné par le Rossel et récemment réédité dans la collection Espace Nord. Mais pour les amateurs du genre, c’est une lecture idéale en attendant l’entrée de l’auteur dans la mythique collection noire de chez Gallimard (premier volume prévu en janvier prochain). Avec Salinas, Delperdange a peut-être trouvé par ailleurs un personnage qui pourrait devenir récurrent.
L’OVNI de la série, c’est Juan d’Oultremont . On le connaît souvent via une seule de ses casquettes : chroniqueur déjanté à la radio, plasticien pointu, prof à l’ERG, parolier pour Lafontaine ( Cœur de loup , c’est lui) ou Mauranne, graphiste classieux pour le label Blue Note. Mais il est aussi écrivain de manière plus sporadique. Pour Juan d’Oultremont, toutes ces activités ne sont que des variations d’un même continuum. Il se considère simplement comme un artiste qui choisit le support adéquat pour s’exprimer. Seule constante de son travail : la tension est indispensable.
En matière de tension romanesque, si l’on n’est pas dans le polar ou le suspense, rien ne vaut une bonne contrainte pour rester concentré. Dans le genre, celle que s’impose d’Oultremont pour Compte à rebours n’est pas mal du tout. Judas Klaus-Thauman accepte de s’abonner à un feuilleton culinaire en prévenant son interlocutrice qu’il lui enverra un mail par jour et qu’après un an, il la demandera en mariage. Autant dire qu’avec un canevas pareil, le livre est un joyeux bordel et un fourre-tout qui se révèle un excellent véhicule pour la verve et l’exubérance jubilatoire, potache ou érudite de l’auteur. Le jury du Rossel ne s’y est pas trompé. L’ouvrage fait partie de la dernière sélection du prix qui sera remis en décembre prochain.
Félicitons les éditions Onlit pour leur vista. Avec la parution de ces quatre livres, ils nous donnent un aperçu de la vitalité et de la variété de la littérature francophone de Belgique. Que ceux à qui cet article apéritif donne envie de découvrir un de ces livres et d’en partager leur lecture avec les lecteurs de Karoo n’hésitent pas à contacter la rédaction. Les SP n’attendent qu’un signe de leur part pour être expédiés, à l’exception du livre d’Aliette Griz qui a déjà été réservé par Mathilde Alet. Elle nous en parlera prochainement.