À la découverte de Das Rheingold
par une novice de l'opéra
Pour Karoo, j’ai assisté à mon premier opéra, Das Rheingold de Richard Wagner, ainsi qu’à l’une des répétitions du spectacle, à la Monnaie. Je vous invite donc à découvrir cet univers à travers mes yeux de jeune novice curieuse et enthousiaste.
1876, la Bavière : nous sommes à la première représentation de Das Rheingold par Richard Wagner. Il faut savoir qu’il s’agit seulement du prologue de son œuvre monumentale en quatre parties nommée Der Ring des Nibelungen1. Ce drame musical allemand nous conte l’histoire d’un or magique gardé par les filles du Rhin et fortement convoité par le nain Alberich, mais aussi par le dieu Wotan. Voyez-vous, selon la légende, celui qui renoncera à l’amour et qui forgera un anneau de cet or pourra régner sur le monde.
2023, Bruxelles : cette œuvre est aujourd’hui mise en scène à la Monnaie par Romeo Castellucci, accompagné du chef d’orchestre Alain Altinoglu. La Monnaie offre de nombreux avantages aux jeunes de moins de 30 ans et c’est dans ce cadre-là que j’ai eu l’opportunité d’assister à l’une des répétitions gratuitement, mais également de profiter du spectacle à un prix avantageux.
Le soir de la répétition, j’ai hâte de découvrir ce monde inconnu qui m’a toujours attirée et fascinée mais face à ma garde-robe, le doute m'assaille. Suis-je censée me parer d’une tenue élégante et raffinée comme on l’a si souvent vu dans les films ; est-ce que mon fidèle jeans pourrait se voir essuyer un refus catégorique à l’entrée ? Je finis par opter pour un juste équilibre, j’ai nommé le « chic-décontracté ».
Arrivée à la Monnaie, si ma tenue peut me permettre de me fondre dans la masse, l’expression de mon visage un peu moins. Je suis tellement absorbée par la beauté du décor que je ne réfléchis pas à la direction que je prends. Or, il existe différents points d’accès à la salle en fonction de l’endroit dans lequel on est censé s'asseoir. Comme les places ne sont pas attribuées pour cette répétition, je me retrouve assise dans le parterre alors que j’aurais pu viser les meilleures sièges du premier balcon. Ça m’apprendra à fixer le plafond…
Un orateur passionné et investi commence alors son introduction et nous présente l'œuvre de Wagner dans un discours enjoué ponctué de quelques chants. Pendant ce temps-là, le plateau grouille de vie et on voit par moment des apparitions en peignoir blanc. Plutôt cocasse.
Mais le temps presse. Le chef d’orchestre entre en scène et donne quelques instructions. Sa baguette finit par s’élancer dans une danse gracile et la musique s’élève dans un doux crescendo. Encore une fois, je suis distraite car j’entends de la musique et je vois le chef d’orchestre à l'œuvre mais… où sont donc les musiciens ? Figurez-vous qu’ils sont cachés en contrebas de la scène, dans la fosse comme on dit, sous une sorte de filet de sûreté ! Ce mystère résolu, je peux à nouveau me concentrer sur la représentation. Après quelques faux départs, les ondines entrent enfin en scène et dès leur arrivée, une ambiance mystique s’installe dans la salle. On a l’impression de les voir émerger avec grâce et fluidité avant de disparaître dans l’eau grâce à un subtil jeu de lumière irisée et de voilage diaphane. Quelle apparition !
Leurs voix sont magnifiques mais je regrette très vite de ne pas comprendre l’allemand. J’essaye alors de lire les sous-titres qui s’affichent sur les écrans et de ne perdre aucune miette de ce qui se passe sur scène tout en laissant l’émotion m'envahir… exercice assez compliqué.
Les scènes qui se jouent sous mes yeux sont toutefois fascinantes et inattendues : cascade d’eau, jet de lumière, danses voluptueuses… Les costumes eux ne sont pas encore prêts et j’ai déjà hâte d’assister à la représentation pour le rendu final. Puis tout d’un coup, la première scène est déjà finie et on nous invite à sortir pour laisser l’équipe travailler en huis clos. Je quitte donc la salle avec un sentiment de trop peu, mais ce n’est que partie remise.
Le jour J, je me sens déjà un peu plus dans mon élément. Peut-être un peu trop, car quand je me présente devant l’entrée (la bonne cette fois-ci), chargée de trois sacs et de mon manteau :, on me renvoie sans ménagement aux vestiaires, deux minutes top chrono avant le début du spectacle, alors que le son des cloches retentit pour sommer les retardataires de rejoindre leur siège. Mon conseil donc à tous·tes les futur·es novices de l’opéra serait d’arriver suffisamment à l’avance et de veiller à confier vos biens volumineux à l’entrée.
Cette fois-ci, je suis assise à l’un des balcons et je vois très bien les musiciens. Un élément en plus à absorber, donc. J’observe également une ambiance plus solennelle qu’à la répétition, pas d’apparitions en peignoirs blancs cette fois-ci. Lorsque le spectacle commence et que les ondines entrent sur scène, je suis subjuguée. Celles-ci sont entièrement nues et recouvertes d’or. Je dois dire que je ne m’attendais pas à cela car dans mon imaginaire, l’opéra restait un milieu fort conventionnel.
Or la mise en scène de Romeo Castellucci n’a rien de conventionnel. Tout au long du spectacle, on peut observer des corps nus enduits, croulant sur le sol ou suspendus dans les airs, des crocodiles géants, de l’or liquide et des cascades d’eau… tout cela rythmé au son de l’orchestre et du chant. C’est étrange et par moment incompréhensible ou difficile à suivre, mais c’est également magique et majestueux.
J’étais tout aussi décontenancée par l’intensité du chant où chaque phrase, même la plus banale, est proclamée d’une manière absolument dramatique. J’aimerais entendre l’orchestre jouer d’autres compositions car je ne suis pas très sensible aux mélodies de Wagner.
Après 2h40 de spectacle sans entracte (autre conseil : passez aux toilettes avant), le public salue les artistes avec enthousiasme. Pour ma part, je retournerai à l’opéra car Das Rheingold a éveillé encore davantage ma curiosité pour cette forme d’art qui, je pense, doit être apprivoisée avant de pouvoir en profiter pleinement. Rien ne s’est passé comme je l’imaginais mais j’apprécie toujours une bonne surprise…