critique &
création culturelle

Des lendemains de fête

La retraite d’une danseuse de cabaret qui envisage de se caser : Party Girl est inspiré par la biographie de l’actrice principale et coréalisé par son fils.

À soixante ans, Angie, clope au bec et verre de vin à la main, est

accoudée au bar, fidèle à son poste

. Dans le zinc, ses innombrables bijoux bling bling brillent autant que ses grands yeux clairs, lourdement soulignés de mascara. Arborant fièrement un

legging

léopard ou zèbre, elle répond à l’appel tous les soirs et danse sur les Scorpions ou Mike Brant. Sauf que voilà, elle fatigue, les compagnons de boisson se font rares et les temps changent…

Prix d’ensemble (sélection Un certain regard) et Caméra d’or à Cannes cette année, ce premier film coréalisé à trois — Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis (le fils de l’actrice principale) — nous présente le personnage généreux et attachant d’ Angélique Litzenburger, entraîneuse vieillissante d’un cabaret frontalier en Moselle . Outre le portrait touchant d’une femme, c’est aussi celui d’un milieu, d’une certaine classe sociale et d’une ex-région minière modeste, peu représentée à l’écran par des acteurs et des récits authentiques. Le film est largement inspiré de la vie d’Angélique Litzenburger, qui interprète son propre rôle à l’écran, de même que ses quatre enfants.

Party Girl , c’est l’histoire d’une vie, d’un amour romanesque et improbable, et d’une réunion familiale. L’amour romantique ou filial est omniprésent. Au travail, Angie entretient une belle complicité avec ses collègues qui regrettent de la voir déménager (car « là où on danse, on habite ») puis se casser, purement et simplement. Angie a beaucoup de mal à dire adieu à ses consœurs devenues ses amies, et à quitter sa vie de « fille de la nuit ». Adieu les stroboscopes, les bouteilles de champagne, les clients charmés par un brin de causette, mais surtout adieu à ces fins de soirée au Grec d’à côté avec les copines. Angie est libre, c’est une éternelle enfant de la noce. Seulement, le monde de la nuit est parfois impitoyable. Un univers flashy où tous les excès sont permis et tus, où « le reste » est acheté à coups de billets, mais au sein duquel chacun reste infiniment seul. La photographie du film rend parfaitement bien cette atmosphère faussement suave par une lumière et des couleurs chaudes. Le tout est baigné d’une musique à la fois mélancolique et sensuelle, comme les notes d’une jeunesse, d’une gloire passée, qui n’a laissé place qu’à la recherche d’estime et d’amour.

Mais il y a Michel Henrich , un habitué du club, fidèle depuis toujours, qui finit par rassembler son courage et demander Angie en mariage, car « il veut tout faire comme un couple avec elle ». Elle hésite, mais finit par accepter : « C’est un gars très gentil et très sérieux. » Pendant les jours qui précèdent les noces, Angie, mère tendre mais troublée, semble revivre, se ressourcer. Elle ose reprendre contact avec sa fille Cynthia, née de père inconnu dix-huit ans auparavant. Son fils, qui vit en ville, « qui est arrivé, a un bon travail », lui rend visite. Angie est fière.

Cependant, les préparatifs se révèlent plus complexes que prévu et les doutes l’assaillent bientôt. Ses amies plus âgées la taquinent un peu, ses collègues tentent de la mettre en garde contre une décision impulsive qui pourrait étouffer sa grande soif d’indépendance. La musique et la fête s’éloignent lorsque surviennent les disputes, les problèmes financiers et qu’Angie finit par se heurter à la jalousie maladive de Michel. C’est un homme droit, presque entêté, qui aspire à une vie rangée et simple. Discret, il voudrait oublier le passé de sa fiancée et a du mal à comprendre, tout en étant fasciné par lui, son caractère charmeur et festif.

Chassez le naturel, il revient au galop. À Cannes, l’actrice, fidèle à son franc-parler, disait du film : « J’aurais pu faire autre chose, j’aurais pu être autre chose, mais je ne regrette rien. J’ai bien vécu, j’aime ma liberté et je suis une femme qui aime fêter. »

Pétillante ode à la liberté, Party Girl est, à l’image de son interprète, un film singulier, juste et piquant de vérité.

https://www.youtube.com/watch?v=oSwwF7TCuo0

Même rédacteur·ice :

Party Girl

Réalisé par Marie Amachoukeli , Claire Burger et Samuel Theis
Avec Angélique Litzenburger , Joseph Bour et Mario Theis
France , 2013, 96 minutes