critique &
création culturelle

L’exposition Dressing de la Maison des Arts

questionne notre rapport au vêtement

© Manon Bara, « Queen Kong Gang Dress-Up Art! »

La commune de Schaerbeek nous propose de découvrir une partie de sa collection artistique et la fait résonner avec des créations d’artistes contemporains invités à l’occasion. Jusqu’au 26 novembre, la Maison des Arts expose le vêtement dans cette demeure bourgeoise du début du XIXᵉ siècle.

La Maison des Arts convie deux fois par an des artistes à faire vivre ce lieu dont la valeur patrimoniale est indéniable. Une vingtaine d'artistes contemporains proposent un dialogue entre le passé et le présent à travers des problématiques qui les animent. Cette année, le vêtement est le thème de l’exposition. Un objet du quotidien qui parle à tout le monde. Il aide à exprimer une personnalité, mais peut au contraire la dissimuler grâce au déguisement. Il est lié à l’intime, mais peut également nous fondre dans la masse.

L’exposition s’ouvre sur une œuvre de Beat Streuli in situ qui propose une juxtaposition de portraits de passants. Le vêtement n’est pas un signe distinctif dans ces portraits pris sur le vif. La tenue des modèles ne nous permet pas de déterminer leur origine sociale ou leur nationalité. Ces personnes et ces photographies auraient pu aussi bien être prises à Paris, Londres ou New York, tant la mondialisation touche à tous les domaines. Celui de la mode ne fait donc pas exception.

© Beat Streuli « in situ »

La visite se poursuit avec les imposantes silhouettes de Maya de Mondragon (2,30 pour chacune) qu’elle travaille comme des bas-reliefs. On examine son travail pour comprendre comment elle utilise le vêtement. Ce dernier est en fait moulé pour ne garder qu’une empreinte qui forme un corps à ces sculptures aux noms féminins et au look androgyne. Le tout semble d’une fragilité qui contraste avec leur taille monumentale qui impressionne le spectateur.

Le tissu du vêtement est aussi un médium précieux pour l'artiste ghanéen Cornélius Annor qui l’utilise dans sa toile M’adwendwen (« mes pensées »). Il y intègre le wax africain qui a une signification bien particulière, car elle renvoie à la culture ouest-africaine que l’artiste souhaite mettre en avant. Il est intéressant de noter qu’il utilise ce tissu de deux manières différentes : par le collage comme on le voit sur les tenues des personnages, mais aussi par le transfert des couleurs de ce dernier sur la toile comme on le voit sur la nappe. Ces procédés apportent une richesse en termes de texture à cette œuvre au cadrage photographique. 

© Cornelius Annor, «M'adwendwen », Courtesy of Maruani Mercier Gallery

Les artistes utilisent le vêtement pour affirmer une identité personnelle, mais il peut aussi bien permettre d’être un.e autre ou de marquer symboliquement une étape de la vie.

L'œuvre de Léna Babinet intitulée Ce qui reste voile est un voile de mariée qu'elle porte à l'occasion de performances. La pièce qui semble légère est composée de milliers d’anneaux de porcelaine dite « papier » et pèse en réalité près de 4 kg. L’objet est intriguant et élégant. Nous avons envie de le manipuler. L’artiste, présente ce jour-là, joue avec cette maille immaculée et nous fait entendre le son qu'il produit et qui est proche du bâton de pluie. Léna Babinet sacralise un objet qui est symbolique dans la culture occidentale en le concevant dans un matériau plus pérenne que le tulle d’un voile classique.

© Léna Babinet, « Ce qui reste voile », Photo Karoo

Le voile évoque la cérémonie du mariage et montre la puissance symbolique du vêtement. Dans le même espace, une photographie de Valérie Belin tirée de sa série Moroccan Brides nous maintient dans le même univers, mais dans une version plus ostentatoire.

Valérie Belin, sans titre, issu de « Moroccan Brides », 2000

L’absence de couleurs de la photographie rend la tenue aux allures royales plus sobre, mais on peut deviner tout de même une fête pour célébrer les noces de cette jeune femme dont nous voyons probablement le 10ᵉ de la garde-robe prévue pour l’occasion. La majesté de sa tenue est telle que l’on en oublie presque le modèle. C’est une idée qui se rapproche du travail d’Emilio Lopez-Menchero, lui qui se travestit en personnages célèbres dans sa série Trying to Be… qui prend place dans le dernier espace de l’exposition.

Tantôt Gagarine, tantôt Che Guevara ou Frida Kahlo, l’artiste perd son identité au profit d’un personnage qu’il met en scène, et il compose des images grâce à des objets du quotidien, comme ce casque de cosmonaute réalisé à partir d’un couvercle de poubelle. Dans le même espace, le travail d’Aimé Ntakiyica est tout aussi percutant grâce à ses photographies à échelle réelle.

Pour son projet Wir, il porte des costumes folkloriques européens en mimant des poses qui rappellent certaines statues africaines ou l’iconographie égyptienne. Il mélange les codes et crée quelque chose de parodique. Tout comme dans le travail de Menchero, il montre comment le costume permet une autre réalité.

Les différentes productions apportent un nouvel éclairage à ce thème. Le lien avec les œuvres de la collection de la commune de Schaerbeek n’est pas toujours très évident ou mis en valeur, cependant les artistes invités réussissent à nourrir notre réflexion sur la fonction du vêtement dont la vocation n’est pas seulement de nous couvrir.

© Aimé Ntakiyica, « Wir - Scottish Copie »

Dressing

Maison des Arts

du 23.09 au 26/11/2023
Chaussée de Haecht 147
1030 Schaerbeek

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